Covid19: «le Maroc a intérêt à valoriser tous les métiers productifs», selon Mohamed Akaaboune
Le professeur d’Economie à l’Université Mohammed V-Souissi à Rabat, Mohamed Akaaboune, livre, dans un entretien à la MAP, ses impressions sur la crise sanitaire et son impact sur différents secteurs de l’économie marocaine ainsi que les enseignements à en tirer.
1- Comment la crise sanitaire et les mesures de confinement ont impacté l’économie marocaine?
La crise du Coronavirus a eu certes un impact fort sur l’activité économique. L’économie marocaine, comme l’ensemble de l’économie mondiale, est impactée de façon brutale et imprévue.
Selon les dernières estimations du FMI, l’économie marocaine qui devrait connaître un taux de croissance de 3,7% selon les prévisions de la loi des finances 2020, va devoir réaliser un fléchissement, le PIB reculerait de 3,7% avec un accroissement du taux de chômage qui passerait à plus 12,5%.
Au Maroc, on peut distinguer deux catégories d’effets sur l’économie: des effets exogènes, conséquences des fermetures de frontières et des effets endogènes, conséquences des mesures de confinement internes qui relèvent des décisions des pouvoirs publics et qui se sont traduites par l’arrêt de nombreuses activités.
En effet, les entreprises engagées dans le commerce international de divers secteurs et qui dépendent de fournisseurs ou de clients à l’étranger, subissent les effets directs de cette crise.
Il s’agit surtout des branches liées aux principaux partenaires du Maroc l’Espagne, la France et la Chine… La fermeture des frontières prive les entreprises des marchés ou de sources d’approvisionnement en marchandises, en matière première ou en pièces détachées.
En plus, de nombreuses entreprises ont arrêté leur activité dans le cadre des mesures de confinement préventives visant à contenir l’épidémie.
Ainsi, toutes les composantes du PIB sont touchées:
– Les activités primaires notamment agricoles connaissent, et pour la seconde année consécutive, une baisse d’activité en raison des aléas climatiques. La crise de coronavirus amplifie les difficultés du secteur et touche les autres activités primaires comme la pêche.
– Les activités secondaires, dans l’ensemble et toutes branches confondues sont impactées négativement avec cependant des branches qui ont bénéficié de la situation.
D’autres activités se trouvent en grande difficulté suite aux décisions de confinement, il s’agit du secteur informel tel le commerce ambulant, le travail journalier,…
2- Quels sont les secteurs qui ont été épargnés?
Les secteurs qui semblent avoir profité de la situation sont, entre autres la production de produits d’hygiènes et l’industrie sanitaire comme la production de masques, d’appareil de respiration, de gel hydroalcoolique, de savon et autres produits antiseptiques, de papier hygiénique et de serviettes en papier toutes catégories, les gants en plastique,…
Il s’agit aussi de l’industrie alimentaire surtout la production des conserves de toutes sortes, de pâtes, de vinaigre, d’eau de javel, etc. Le commerce en général bénéficie de la situation.
En particulier les commerces alimentaires dans les grandes surfaces et même des petits commerces. Le e-commerce devrait, quand à lui, en principe se développer dans les circonstances actuelles.
Les nouvelles technologies pour lesquelles l’impact économique de la pandémie est très significatif. C’est le cas pour le secteur des technologies d’internet qui semble être le grand gagnant de cette situation.
Le secteur doit connaître un essor suite à la nécessité de suivre l’enseignement à distance. De plus, les internautes bénéficient des services pour mieux supporter le confinement. On assiste également au développement de l’utilisation de la télévision en ligne et de la télévision scolaire.
Le Télétravail et des visioconférences permettent à de nombreuses entreprises de continuer leurs activités avec le travail à domicile ce qui constitue une nouvelle donne qu’il ne faut pas négliger. Un nombre croissant de travailleurs en confinement a opté pour le télétravail.
3 – Quels sont les enseignement à tirer de cette crise ?
Cet état de fait nous permet de tirer des leçons concernant les choix stratégiques du Maroc. Le Maroc, qui s’est lancé, comme de nombreux pays en développement dans le processus de libéralisation de son économie, a besoin, à notre avis, de réorienter ses choix vers le développement d’une économie nationale moins dépendante de l’étranger et plus productive.
Au niveau des activités à caractère social, cette crise a montré toute l’importance des secteurs de l’enseignement et de la santé publics.
Il est temps de redonner à ces deux secteurs la place qu’ils méritent, d’assurer le renforcement de la recherche scientifique, le recyclage et la formation continue du personnel enseignant et du personnel médical toutes catégories confondues et d’améliorer les rémunérations et le statut de ces métiers.
Notre pays a intérêt aussi à valoriser tous les métiers productifs et leur donner la place qu’ils méritent et de généraliser la couverture sociale à toutes les couches aussi bien dans le monde urbain que rural et réduire le poids de l’informel.
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