vendredi, mars 29, 2024
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Diplomatie: et si le nouveau président de la CAF permettait de jeter un pont entre Rabat et Pretoria?

Diplomatie: et si le nouveau président de la CAF permettait de jeter un pont entre Rabat et Pretoria?




Le plébiscite de Patrice Motsepe à la tête de la Confédération africaine de football (CAF), ce 12 mars 2021, à Rabat, a été rendu possible par l’intervention de la diplomatie sportive marocaine. Le Royaume gagne ainsi un potentiel nouvel ami, proche des cercles du pouvoir en Afrique du Sud.




C’est à Rabat que Patrice Motsepe est devenu ce 12 mars 2021, président de la Confédération africaine de football (CAF). Une élection sans surprise car les jeux étaient faits, deux semaines auparavant, toujours dans la capitale marocaine.

Durant le week-end du 27 février, la diplomatie sportive chérifienne a mis tout son savoir-faire et son tact au profit du Sud-africain. Fouzi Lekjaâ, réconforté par l’appui de la FIFA au milliardaire sud-africain, a su obtenir le consensus autour du candidat préféré de Giani Infantino.

Les trois autres candidats au poste -notamment l’Ivoirien Jacques Anouma, le Sénégalais Augustin Senghor et le Mauritanien Ahmed Yahya- ont été convaincus de se retirer en échange de postes d’influence dans l’instance footballistique. Ce « pacte de Rabat » a été concrétisé à Nouakchott.




Ceci en marge de la finale de la CAN-U20, lors d’une cérémonie célébrant l’unité africaine. Ce coup de maître de la diplomatie sportive marocaine, Patrice Motsepe a dû forcément l’apprécier.

« Le Maroc a pu à la fois démontrer sa capacité à fédérer au sein du continent, mais a pu au passage gagner un potentiel nouvel ami du Royaume », soutient une source proche du dossier. Et de poursuivre: « Motsepe a vu de près comment les Marocains raisonnent et comment ils travaillent, ce qui n’a pas laissé insensible cet homme d’affaires pragmatique ».

Ayant grandi dans une township (ghetto réservé aux non-Blancs) de Soweto, près de Johannesburg, ce milliardaire de 59 ans a toujours eu le sens des affaires. Il a été le premier Sud-africain noir à se lancer dans le secteur minier en fondant Future Mining ainsi que l’African Rainbow Minerals Gold.




Ce sont deux sociétés spécialisées dans l’extraction minière qui ont fait sa fortune. C’est à travers cette dernière structure qu’il compte parmi les principaux actionnaires de Saham Assurances, l’ancienne compagnie de Moulay Hafid Elalamy qui bat depuis 2018, pavillon sud-africain après son rachat par le groupe Sanlam.

La compagnie vient d’ailleurs d’inaugurer une agence à El Guerguarate, démontrant que les bonnes affaires se font partout au Maroc, y compris dans ses provinces du Sud.

Le Royaume peut alors espérer que la Realpolitik dont fait preuve le nouveau président de la CAF servira à faire mieux résonner la voix de la diplomatie marocaine dans les cercles de pouvoir de Pretoria. Car il faut admettre qu’il y a toujours eu des fritures sur les canaux diplomatiques avec l’Afrique du Sud.




Certes la présentation des lettres de créances de l’ambassadeur du Maroc Youssef Amrani, en octobre 2019, a permis de tourner la page de la longue rupture intervenue depuis 2006. Il n’empêche que le diplomate marocain se heurte encore aux préjugés des dirigeants sud-africains sur l’affaire du Sahara.

« Il fait de son mieux pour expliquer la légitimité de notre cause nationale, mais il est confronté à une hostilité encore forte de certaines sphères du pouvoir attachées à leur soutien au Polisario pour des raisons essentiellement historiques », poursuit cette source proche du dossier.

Inciter les dirigeants sud-africains à changer de dogme par rapport à la question du Sahara passe donc par un grand effort de communication et de sensibilisation. Et l’apport de Patrice Motsepe ne sera évidemment pas de trop. Surtout que l’homme est bien introduit dans les palais de Pretoria.




Sa sœur aînée, Tshepo Motsepe, est l’épouse du chef de l’Etat, Cyril Ramaphosa. Et une autre de ses sœurs, Bridgette Motsepe, est mariée à Jeff Radebe, un des piliers du Congrès national africain (ANC, le parti au pouvoir), plusieurs fois ministre. Patrice Motsepe est d’ailleurs lui-même une icône de cette élite noire sud-africaine qui a émergé avec l’abolition de l’apartheid.

Il a été au début des années 1990, le premier associé d’un cabinet d’avocat, Brownan Gilfilan en l’occurrence. Il est aussi devenu le premier homme noir milliardaire d’Afrique du Sud et avec les 2,6 milliards de dollars qu’il pèse actuellement, selon Forbes, il est le troisième homme le plus riche du pays.

Motsepe est donc bien placé pour comprendre que le monde a bien changé depuis l’ère des mouvements indépendantistes et de la guerre froide…