Éric Zemmour, journalistes marocains… les différences de traitement en France
Éric Zemmour accusé d’agression sexuelle: la fin de la liberté d’expression en France?
Au vu des scandales sexuels qui éclatent chaque semaine dans la patrie des droits de l’homme, on pourrait croire, si on suivait la logique marocaine de Mediapart, que la France est en train de mener une véritable chasse aux sorcières. Et pourtant, non.
Il y a quelques jours, on apprenait qu’Eric Zemmour, l’un des chroniqueurs les plus populaires et les plus controversés de France, passé maître dans l’art de stigmatiser les musulmans et de légitimer la haine de l’autre, était accusé d’agressions sexuelles par une conseillère municipale d’Aix-en-Provence et de comportements déplacés par d’autres femmes. Onde de choc dans les médias français.
La Toile, comme il se doit, s’est divisée en deux camps: les anti et les pro-Zemmour. Du côté de ses inconditionnels, comme cela se passe un peu partout dans le monde, on considère que ces accusations sont fausses et qu’elles ne visent qu’à une chose, empêcher le journaliste de poursuivre sa course à la présidentielle.
Sans compter qu’à l’heure où la France est en guerre contre les séparatismes, c’est-à-dire l’islamisme, l’éditorialiste n’a eu de cesse de souffler sur les braises pour dénoncer de longue date ce « grand remplacement » qui menace cette bonne vieille France à laquelle il tient tant.
Il fallait donc le museler, arguent ceux qui veulent en découdre avec les « islamo-gauchistes », cette autre menace tapie dans l’ombre. Au Maroc, on connaît aussi des journalistes qui parlent trop, et qui se sont retrouvés accusés de viol.
Autre point commun avec la France, certains considèrent que le viol est une arme pour faire tomber les puissants et que les femmes, prétendues victimes, sont autant d’instruments entre les mains d’un pouvoir de l’ombre. Les points communs s’arrêtent là.
Ce qui nous amène maintenant à aborder le traitement médiatique accordé à cette affaire par certains médias et ONG droits-de-l’hommistes, extrêmement prompts à commenter et juger ce genre d’affaires quand elles ont pour théâtre… le Maroc.
Quelle n’a pas été notre surprise en découvrant que les témoignages des victimes présumées d’Eric Zemmour ont fait l’objet d’une enquête au «long cours», «menée pendant plusieurs mois» et qui s’étale sur 10 pages dans les colonnes de… Mediapart. Pourquoi s’en étonner?
Parce que s’agissant de l’affaire Omar Radi, ce même support français y a consacré deux reportages. Un premier de 13 pages écrit en quelques jours seulement – un exploit– et publié le 20 septembre 2020.
Et un second, de 15 pages cette fois-ci, écrit en un temps tout aussi record, et publié le 7 octobre, dans lequel le même traitement était accordé à cette affaire: Omar Radi est une plume libre, une plume qui dérange le pouvoir que l’on a fait tomber en l’accusant de viol– en somme, la ligne de défense des pro-Zemmour.
Et pour mieux asseoir cette thèse, basée sur le fait que le Maroc est un régime répressif, quasi-dictatorial qui ne saurait souffrir des voix contestataires, les deux journalistes en charge de l’enquête –dont l’une, faut-il le rappeler, brille par ses écrits anti-Maroc, pro-Algérie et pro-Polisario– ont entrepris de décrédibiliser le témoignage de la victime présumée, Hafsa Boutahar, en la faisant passer pour une femme psychologiquement instable, au passé trouble, une intrigante à la solde du Makhzen.
Alors même que celle-ci avait été contactée par Mediapart, au motif d’une enquête qui avait pour but de défendre et faire valoir les intérêts des femmes et de leurs droits.
Un mensonge qui interpelle sur les méthodes utilisées par certains journalistes pour abuser des victimes, de surcroît qualifiées d’«instables» psychologiquement.
Dans le cas de l’enquête consacrée à Zemmour, Mediapart, dont le but n’était assurément pas de faire le procès d’une France qui musèle les voix qui dérangent, a pris le temps et grand soin d’interroger, pendant plusieurs mois, les collègues de l’éditorialiste dans plusieurs rédactions, allant même jusqu’à publier des témoignages de femmes qui n’ont jamais été agressées par lui, mais qui ont ressenti un malaise, une tension sexuelle en sa présence.
Et de conclure cette longue enquête par des extraits des propos tenus par Eric Zemmour sur son rapport machiste et patriarcal à l’autre sexe pour mieux asseoir les témoignages des victimes présumées.
Du Maroc à la France, deux affaires similaires qui impliquent des journalistes controversés, accusés de viols et pourtant un traitement médiatique totalement différent. Pourquoi?
Comment un journal si respecté et prétendument affranchi de toute pression politique et financière quelle qu’elle soit, peut-il accorder une ligne éditoriale aussi différente selon que l’affaire se passe en France ou au Maroc?
Pourtant, faut-il le rappeler, les accusations de viol à l’encontre d’hommes puissants, parmi lesquels des journalistes et des politiques, foisonnent en France. Eric Zemmour, Patrick Poivre d’Arvor, Olivier Duhamel, Juan Branco, Gérald Darmanin… Et la liste est longue.
Au vu des scandales sexuels qui éclatent chaque semaine dans la patrie des droits de l’homme, on pourrait croire, si on suivait la logique marocaine de Mediapart, que la France, ou plutôt sa part d’ombre, est en train de mener une véritable chasse aux sorcières. Et pourtant, non. C’est chez nous, au Maroc, que nous aurions un problème, avec deux cas de journalistes accusés de viol.
Que dire enfin de ces chères ONG, pour ne pas nommer Human Rights Watch et Amnesty International, si promptes en règle générale à dénoncer les crimes et les abus commis par le Maroc qui vont à l’encontre de la liberté d’expression et des droits de l’homme?
Ces deux organisations ont-elles accordé ne serait-ce qu’une ligne, un post, un tweet à ces scandales sexuels qui agitent la classe politique et journalistique en France? La réponse est non. Pourtant, l’affaire Omar Radi a valu au Maroc plusieurs communiqués de presse et sorties virulentes sur les réseaux sociaux, orchestrées dans des médias étrangers. Jusqu’à quand va-t-on encore continuer à nous prendre pour des cons?
Et jusqu’à encore va-t-on être considérés, pour peu qu’on appartient à l’hémisphère sud ou classés parmi les « pays sous-developpés », comme les mauvais élèves de la classe qui attendent que l’Occident, et les anciens pays colonisateurs, nous donnent une bonne note?
Jusqu’à quand va-t-on encore penser que ces pays, y compris leurs médias, leurs institutions et pseudo-associations, sont forcément blancs comme neige?
Et qu’ils sont au-dessus de tout soupçon en comparaison aux nôtres? Le Maroc, comme tant d’autres, est un pays certes loin d’être parfait, et même si de grands pas ont été accomplis en matière de culture des droits de l’homme, beaucoup reste à faire encore.
Mais le traitement de deux poids, deux mesures dont les présumés agresseurs sexuels font l’objet, selon que l’on se situe au nord ou au sud de la Méditerranée, est insupportable.
La campagne d’invisibilisation de Hafsa Boutahar et de Mohammed Adam, victimes présumées de Omar Radi et de Souleimane Raissouni, dévoile la psychorigidité des militants des droits de l’homme. Prisonniers d’une approche dichotomique entre le méchant oppresseur et le gentil opprimé, les droits-de-l’hommistes sont incapables de considérer que le bien et le mal sont des notions mobiles.
Il est tout à fait possible d’être un militant des droits de l’homme convaincu, un bon journaliste ou un artiste de génie, tout en étant un impénitent agresseur sexuel. Y compris au Maroc.
Zineb Ibnouzahir