Liberté de culte : Les restrictions persistent pour les Marocains chrétiens et chiites
Liberté de culte : Les restrictions persistent pour les Marocains chrétiens et chiites
Dans son rapport annuel sur la liberté religieuse dans le monde pour l’année 2020, le Département d’Etat américain a affirmé que malgré la perception d’un «changement positif», les Marocains convertis au christianisme et les chiites font toujours face à des restrictions les empêchant d’exercer leur culte au Maroc.
Le département d’État américain a publié, la semaine dernière, son rapport annuel sur la liberté de religion dans le monde pour l’année 2020. Le rapport, qui retrace les restrictions imposées aux minorités religieuses dans 200 pays à travers le monde, consacre une partie au Maroc.
Le département américain y rappelle que plus de 99% de la population marocaine est composée des musulmans sunnites, tandis que les chiites, les chrétiens, les juifs et les bahaïs représentent environ 1%. Ainsi, comme les années précédentes, les musulmans sunnites et les juifs sont restés «les seuls groupes religieux reconnus dans la constitution» du pays.
Le document souligne ainsi que les autorités marocaines ont «continué de refuser la liberté de culte, le droit au mariage chrétien ou civil et aux services funéraires aux groupes de citoyens chrétiens».
De plus, les Marocains qui sont de confession chrétienne ont été interdits de «créer des églises ou, contrairement aux églises étrangères, de pouvoir créer une association».
Le gouvernement marocain a également «refusé la reconnaissance officielle» aux ONG qu’il considérait comme «militant contre l’islam», considéré comme la religion officielle du royaume du Maroc.
Toujours dans le volet des actions du gouvernement qui sont en lien avec la liberté de culte, le rapport du département d’État américain cite l’arrestation de l’acteur Rafik Boubker pour «des propos blasphématoires contre l’islam et pour avoir attaqué le caractère sacré du culte» ainsi que l’interpellation, l’année dernière, du salafiste Abou Naim, qui a appelé le gouvernement à fermer «les casinos, les bars et les lieux de la débauche au lieu de parler des mosquées».
Moins de restriction à la liberté de culte
Le département d’Etat américain évoque aussi l’expulsion, en février 2020, de trois étudiants affiliés à Al Adl Wal Ihsane par l’Université d’Agadir pour «insulte à des agents publics et diffamation», rappelant que la Jamaâ, interdite mais tolérée par les autorités, a «continué de publier des communiqués de presse, de tenir des conférences, de gérer des sites Internet et de participer à des manifestations politiques» au cours de l’année dernière.
Globalement, et au cours de l’année dernière, «il n’y a eu aucun rapport» faisant état de l’interdiction aux groupes religieux non enregistrés de pratiquer leur religion en privé, affirme le rapport.
Cependant, la même source ajoute que «des dirigeants communautaires de divers groupes chrétiens ont déclaré que les autorités ont continué à les appeler au téléphone ou leur rendre visite à domicile pour démontrer qu’elles continuaient à surveiller les activités chrétiennes». Citant «diverses sources», le rapport ajoute que «les autorités ont expliqué que le but de cette surveillance.
C’était, selon les autorités, pour protéger les communautés religieuses minoritaires» et pour «surveiller le respect des restrictions relatives à la Covid-19». Pour les Marocains chrétiens, le rapport précise que leurs dirigeants ont déclaré qu’il n’y avait «aucun rapport» que les autorités auraient fait pression sur les convertis pour qu’ils renoncent à leur foi.
Le département d’Etat américain rappelle aussi que «le refus du gouvernement d’autoriser les groupes musulmans chiites à s’enregistrer en tant qu’associations a continué d’empêcher ces groupes de se rassembler légalement pour des pratiques religieuses publiques».
Ces chiites «pouvaient prier dans les mosquées sunnites, mais risquaient d’être critiqués par d’autres fidèles pour leurs pratiques religieuses», rappelle-t-on. Les chiites ont également «indiqué qu’ils n’avaient pas tenté de s’inscrire (en tant qu’association, ndlr) au cours de l’année car ils craignaient que les forces de sécurité ne les harcèlent, comme cela avait été le cas les années précédentes».
Un changement positif pour la tolérance sociétale ?
Quant à la société marocaine, le rapport informe que les représentants de groupes religieux minoritaires ont déclaré que la peur du harcèlement social, y compris le rejet par les familles, la discrimination en matière d’emploi et la violence potentielle à leur encontre par des «extrémistes», étaient les principales raisons qui les poussaient à pratiquer leur religion de manière discrète.
La même source a ajouté que des membres du Clergé étranger ont «découragé certains Marocains chrétiens d’assister à des services par crainte de harcèlement social».
Toutefois, «des représentants chrétiens et juifs ont déclaré avoir constaté un changement positif en ce qui concerne la tolérance sociétale», qu’ils ont attribué à la visite du Pape François au Maroc en 2019 ainsi que les déclarations du Roi Mohammed VI à l’époque. Les musulmans chiites ont déclaré, pour leur part, que beaucoup d’entre eux «évitaient de divulguer leur appartenance religieuse.
Surtout dans les régions où leur nombre était plus petit». Des médias, des militants, des dirigeants communautaires et des convertis chrétiens ont rapporté que les Marocains chrétiens étaient «confrontés à des pressions sociales pour se convertir à l’islam ou renoncer à leur foi chrétienne de la part de familles et d’amis non chrétiens».
«Les jeunes chrétiens qui vivaient encore avec leurs familles musulmanes n’auraient pas révélé leur foi parce qu’ils pensent qu’ils pourraient être expulsés de leurs maisons à moins qu’ils ne renoncent au christianisme», ajoute le rapport.
Ce dernier ajoute que les dirigeants bahaïs ont affirmé qu’ils n’ont pas été victimes de harcèlement au cours de l’année précédentes, alors que les citoyens juifs ont «continué à déclarer qu’ils vivent et assistent à des offices dans des synagogues en toute sécurité» et qu’ils peuvent «visiter régulièrement des sites religieux et organiser des commémorations annuelles».