samedi, avril 20, 2024
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Maroc-Espagne: Arancha Gonzalez aurait pu éviter la pire crise depuis 2002

Maroc-Espagne : Arancha Gonzalez aurait pu éviter la pire crise depuis 2002




En à peine plus d’une année à la tête de la diplomatie espagnole, Arancha Gonzalez a collectionné les couacs dans sa gestion des relations avec le royaume du Maroc. Retour sur un enlisement diplomatique.




Arancha Gonzalez Laya est dans le viseur de l’opposition qui réclame sa démission, mais aussi de la population de Ceuta qui la tient responsable de la pire crise migratoire que l’enclave a vécue. En à peine plus d’une année de fonction, elle est tenue presque comme unique responsable en Espagne de la dégradation des relations entre Madrid et Rabat.

L’enchainement de dossiers chauds et l’inexpérimentation ne lui ont pas facilité la tâche. Pour succéder au très expérimenté Josep Borrell parti pour diriger la diplomatie de l’Union européenne, Pedro Sanchez avait nommé à la surprise générale, le 13 janvier 2020, une économiste pour la diplomatie du premier gouvernement de coalition de gauche dans l’histoire de l’Espagne moderne.

Dès sa prise de fonction, elle est confrontée à sa première crise avec le Maroc, suite à l’adoption par le Parlement marocain des deux projets 37-17 et 38-17 établissant les nouvelles frontières maritimes du royaume. Le 24 janvier 2020, elle effectue un déplacement à Rabat pour arracher de son homologue marocain une ouverture du «dialogue».




L’enlisement dans le Sahara

Le 14 décembre dans une interview, soit quatre jours après la reconnaissance par Donald Trump de la marocanité du Sahara, la ministre des Affaires a donné libre court à sa colère. La solution de la question du Sahara occidental «ne dépend pas de la volonté ou de l’action unilatérale d’un pays, quelle que soit sa grandeur.

Sur ce dossier le centre de gravité se situe à l’ONU», a-t-elle indiqué. Et d’émettre le vœu que l’administration Biden «puisse évaluer la situation et voir de quelle manière elle va se positionner et travailler en vue d’une solution juste et durable qui ne dépend pas d’un alignement d’un moment sur un camp ou sur l’autre».

Quatre mois après son arrivée à la Maison blanche, Joe Biden n’a toujours pas annulé la décision prise par son prédécesseur. Avec le recul, cette déclaration hostile a été un prélude à l’enlisement dans l’affaire Brahim Ghali.




Un dossier où la ministre a multiplié les bévues, s’attirant les foudres du Maroc mais aussi de la classe politique espagnole. Elle a offert ainsi une aubaine à la presse de droite l’accusant d’avoir géré cette affaire d’hospitalisation en catimini du chef du Polisario, sans se concerter avec les services de renseignements espagnols.

Dès le début de cette crise, sa ligne de défense laissait apparaitre des brèches. «Les raisons strictement humanitaires» que la ministre n’a eu cesse de répéter depuis presque quatre semaines, n’ont convaincu ni le Maroc, le principal concerné, ni l’opposition de droite.

Pablo Casado, le chef du Parti Populaire, a qualifié sa gestion des relations avec le Maroc d’ «irresponsable». Sous pression, la cheffe de diplomatie a fini par exprimer, le 11 mai, son agacement face aux questions des journalistes : «Je n’ai rien à ajouter.»




Les conseils de MM. Solana et Margallo

La gestion sans concertation de ce dossier a conduit à un niveau de tension entre Rabat et Madrid inédit depuis le gouvernement Aznar.

En quelques semaines, les menaces du Maroc se concrétisent avec une coopération sécuritaire qui s’est soudainement grippée, l’exode de milliers de Marocains vers la ville occupée de Ceuta et le rappel de l’ambassadrice du royaume du Maroc en Espagne pour consultations. La crise s’installe officiellement et pourrait durer des mois.

Le temps nécessaire pour que les médiateurs des deux côtés, avec le concours de parties tierces, parviennent à rapprocher les points de vue. Si la droite espagnole fustige la politique marocaine adoptée par Mme. Gonzalez, avec la bénédiction de Pedro Sanchez, elle ne fait pas l’unanimité dans les rangs de son propre parti, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE).




En témoigne, ce mardi, le conseil signé par Javier Solana, ancien ministre des Affaires étrangères (1992-1995) : «Notre diplomatie avec le Maroc doit être plus « fine ».»






En effet, après les années Aznar, marquées par la crise de l’îlot Leila en juillet 2002, le maintien d’une relation «apaisée» avec Rabat est érigé en préoccupation majeure par les gouvernements espagnols, de droite comme de gauche.
Et ce n’est pas José Margallo du Parti Populaire, chef de la diplomatie entre 2011 à 2016, qui dira le contraire.

Dans une interview accordée à un média ibérique, en août 2020, au sujet l’incident de l’interception en 2014 d’un yacht avec à son bord le roi Mohammed VI, par une patrouille de la Garde civile espagnole, il a reconnu avoir vécu cet épisode «avec horreur». «J’avais peur qu’ils (les Marocains) envoient 15 000 immigrés sur les côtes andalouses. Avec le Maroc, il faut être extrêmement prudent», a-t-il expliqué.

Finalement, ce que craignait Margallo, arriva à Gonzalez, qui semble n’avoir jamais envisagé cette situation cauchemardesque. Pourtant même Aznar le dit aujourd’hui: «Les Marocains peuvent être très critiquables dans certains domaines mais ces derniers jours, ils ont prévenu qu’un conflit allait arriver, cela a été ignoré et c’est arrivé.»