Colère en Espagne après la restriction de Marhaba 2021 aux ports français et italien
Colère en Espagne après la restriction de Marhaba 2021 aux ports français et italien
Très attendue en Espagne, l’annonce de l’ouverture des frontières maritimes du Maroc pour accueillir les Marocains résidant à l’étranger a provoqué déception et colère des opérateurs ibériques. À l’instar de l’été 2020, seuls les ports français et italien sont concernés en 2021.
L’annonce de la reprise des vols depuis et vers le Royaume à partir du 15 juin, a immédiatement fait réagir opérateurs économiques et responsables politiques en Espagne.
Scrutée par les médias espagnols, elle n’a pas manqué de susciter inquiétude et colère. À l’instar de 2020, le retour par voie maritime des Marocains bloqués ou résidant à l’étranger ne sera possible que via les lignes maritimes opérées depuis la France et l’Italie, excluant de facto les ports espagnols.
Commentant ce lundi la décision des autorités marocaines, le maire d’Algésiras, José Ignacio Landaluce a ainsi qualifié de «catastrophe» l’annulation de l’opération Paso del Estrecho (OPE), l’équivalent en Espagne de l’opération Marhaba. «Des milliers (d’entreprises et de salariés, ndlr) seront touchés», a-t-il déploré dans une déclaration reprise par ABC.
«On espère qu’il y aura un retour sur la décision, car on parle de milliers d’emplois dans des structures comme les compagnies maritimes, les stations-service, les hôtels, les restaurants, les agences de voyages…», a-t-il rappelé. «Il y a eu une réunion (entre le Maroc et l’Espagne, ndlr) il y a des mois mais elle n’était que préparatoire.
Les années précédentes, nous avions eu beaucoup de réunions de coordination», a-t-il ajouté, en espérant que le Maroc et l’Espagne seront «capables de réorienter la situation». L’année dernière, José Ignacio Landaluce avait ouvertement exprimé sa «préoccupation» lors de la mise à l’écart des ports espagnols par le Maroc. La décision de cette année tombe ainsi comme un coup de massue.
Pour sa part, le président de l’Autorité portuaire d’Almeria (APA), Jesús Caicedo a également rappelé les préparatifs de ce port pour l’opération de cette année.
«Nous n’avons d’autre choix que d’accepter» la décision du Maroc, a-t-il déclaré, en émettant le souhait «qu’au moins le retour des passagers vers l’Europe» puisse se faire via les ports espagnols.
Ceuta et Melilla voient rouge
Car la décision marocaine frappe de plein fouet ces deux principaux ports espagnols. Celui d’Algésiras accueillait même jusque-là plus d’un tiers des passagers et la moitié des véhicules transitant par l’Espagne à destination du Maroc. Elle affecte aussi plusieurs villes et ports espagnols, comme l’a avancé Macarena Olona, porte-parole adjoint de Vox et membre du Congrès.
«Rien qu’à Motril, cela représente une perte de 20 000 000 euros», déplore-t-elle sur son compte Twitter. Tout en qualifiant de «tragique» cette décision, elle a assuré qu’outre Algésiras, la décision affecte «Tarifa, Malaga, Almería, Alicante, Ceuta et Melilla» et «toutes les entreprises» y opérant.
Sólo en #Motril supone una pérdida de 20.000.000 euros. La actividad con mayor impacto económico para la ciudad. Afectará a los puertos de Algeciras, Tarifa, Málaga, Motril, Almería, Alicante, Ceuta y Melilla. También a todos los negocios del corredor Burgos Miranda. Trágico. https://t.co/JU1dWVSnTb
— Macarena Olona (@Macarena_Olona) June 6, 2021
Pourtant, le parti espagnol d’extrême droite a proposé, il y a quelques jours, de faire de l’Opération Paso del Estrecho une carte contre le Maroc en appelant à son annulation. Depuis le début de l’année, plusieurs ports espagnols, y compris celui d’Algésiras, ont annoncé se préparer pour accueillir, malgré la pandémie du nouveau coronavirus, les Marocains qui y transitent par milliers pour se rendre dans leur pays d’origine pendant l’été.
Lourdement impactées par l’arrêt du trafic de la contrebande puis par la fermeture des frontières avec le Maroc à cause de la pandémie, Ceuta et Melilla avaient même préparé, en avril dernier, un document sur le transit des MRE remis au gouvernement de Pedro Sánchez. C’est dire combien les deux enclaves espagnoles considèrent l’éventuelle réouverture des frontières comme la principale bouée économique post-crise.
800 000 Marocains d’Espagne coincés
Le maintien des frontières terrestres fermées constitue un véritable coup de massue pour l’économie des deux enclaves espagnoles, déjà confrontées à la crise migratoire et qui continuent de subir les affres des tensions politiques entre Rabat et Madrid.
À Ceuta comme à Melilla, le spectre d’une frontière terrestre fermée pour une durée indéterminée se fait de plus en plus menaçant. Si certains médias se sont contentés de relayer l’inquiétude des responsables politiques espagnols quant aux répercussions d’une telle décision, d’autres ont tenté de mettre en avant les difficultés que rencontreront les Marocains résidant à l’étranger (MRE).
On parle de ceux qui se déplaceront en Italie et en France au lieu de prendre la route depuis l’Espagne. Ainsi, l’agence espagnole EFE, reprise par plusieurs médias espagnols, a associé l’inquiétude des opérateurs espagnols à l’impact d’une telle décision sur les MRE.
L’exclusion des ports espagnols constitue un «coup dur» pour les Marocains ayant l’habitude de traverser l’Espagne, pendant la saison estivale, pour se rendre dans le Royaume. Mais l’impact sera beaucoup plus marqué pour les 800 000 Marocains en Espagne qui n’ont que peu d’alternatives aussi compétitives que la traversée via le détroit de Gibraltar ou la mer d’Alboran.
Ces restrictions opérées par le Maroc se justifient par des «considérations de santé [qui] ont prévalu lors de l’exclusion des ports espagnols», selon les sources qui se sont confiées à EFE. En effet, cette «décision implique de réduire considérablement les chiffres des arrivées de MRE».
Mais d’autres médias, à l’instar d’El Espanol, ont insisté sur la crise diplomatique entre Rabat et Madrid sur fonds de position exprimée par l’Espagne quant à la question du Sahara occidental et l’hospitalisation en catimini du leader du Front Polisario à Logroño. Ils ont ainsi justifié cette exclusion par le souhait de Rabat de «prolonger» sa crise avec Madrid.