jeudi, avril 18, 2024
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(Vidéos) Culture du Safran: « L’or rouge » vit son apogée au Maroc

(Vidéos) Culture du Safran: « L’or rouge » vit son apogée au Maroc




Sa qualité est reconnue à l’échelle mondiale. Le safran de Taliouine, au Sud du Royaume, est considéré comme l’un des meilleurs au monde.



Le safran de Taliouine

La petite ville de Taliouine, située à 1586 mètres d’altitude dans l’anti-Atlas, est le fief traditionnel de la culture du safran au Maroc. La qualité de son safran  est connue partout dans le monde et rivalise fortement avec celui d’Iran, d’Espagne ou d’Inde (les trois plus grands producteurs au monde). Jean-Marc Pillet, biologiste suisse et spécialiste de l’épice rouge, en 2008, a déclaré que le safran de Taliouine est le meilleur au monde, dû notamment à sa forte concentration de safranal, une molécule qui lui donne un arôme puissant.

Voici ce qu’en dit Driss Samih, directeur général d’une coopérative de safran au Maroc: “Le Maroc est le seul pays africain qui produit un safran bio d’une qualité supérieure et dont le pouvoir colorant, compris entre 228 et 240%, dépasse celui du safran cultivé en Iran (160%), premier producteur mondial. L’or rouge de Taliouine se distingue par sa couleur, un beau rouge sombre, sa forte odeur et sa saveur inégalée.” 

Le safran de Taliouine au sud du Maroc est considéré comme  le  meilleur  safran du monde,  sa qualité  est  reconnue. Le savoir faire des  paysans berbères de Taliouine qui cultivent le safran depuis des siècles n’est plus à prouver.



La culture du safran

Le safran est une épice extraite de la fleur de crocus, le “Crocus savitus” qui appartient à la grande famille des iridacées. Son bulbe de deux à trois centimètres de diamètre est applati, globuleux, et enveloppé de plusieurs pellicules brunes, appelées les tuniques. Ses feuilles étroites, longues de 30 à 40 centimètres, apparaissent un peu avant ou en même temps que la fleur.

Le bulbe va donner jusqu’à huit fleurs, qui auront chacune six pétales de couleur violette, et un petit pistil portant un long style jaune pâle, d’où vont sortir trois étamines, jaunes, et surtout les trois stigmates, de couleur rouge orangé (extrémités distales des carpelles de la plante), dont la longueur varie généralement entre 2.5 à 3.2cm.

Une fois séchés, ces stigmates donneront le safran utilisé en cuisine. Il y a dans le safran cinq colorants différents, tous des caroténoïdes (des crocétines, précisément), qui ont la très rare particularité d’être solubles dans l’eau, et donc utilisables comme colorant.




C’est aussi une fleur très odorante, avec environ 35 arômes identifiés, dont le safranal, le plus important et le plus caractéristique qui se développe lors du séchage. La plante se multiplie uniquement par voie végétative. Le bulbe produit chaque année trois à quatre nouveaux bulbilles.

Leur développement commence juste après la période de floraison, et ils atteindront la taille leur permettant de produite des fleurs en un à deux ans. Jusqu’en février, la croissance est extrêmement lente, le bulbe accumule ses réserves, il a besoin de températures basses.

Les feuilles se fanent au printemps quand les nouveaux bulbes sont formés (généralement en avril), puis le safran entre dans sa phase de repos végétatif avec les premières chaleurs. Il se réveille vers la fin du mois d’août, et produit ses premières feuilles, puis les fleurs. La spécificité du safran, c’est sa culture, qui suit sa dormance estivale à contretemps, et sa récolte à l’automne. Le safran a des besoins en sol, pluie et ensoleillement comparables à ceux de la vigne.




Cette plante rustique se plait en altitude (entre 650 et 1.200 mètres) et peut résister à des gels importants de plusieurs jours (jusqu’à -10° à  -15°) comme à de fortes chaleurs ( plus de 40°). Un sol trop léger ou au contraire trop argileux abîmera le bulbe et pourra même l’asphyxier.

Le sol où sera cultivé le safran doit être préparé, avec épierrage, construction de terrasse, et un labour assez profond (de 30 à 40 centimètres) une première fois deux mois avant la plantation, puis la deuxième fois juste avant celle-ci, pour incorporer les engrais de fond. Ce savoir faire est transmis de génération en génération depuis des siècles chez les berbères .

Au Maroc, ce labour se fait à la main, ainsi comme les binages réguliers qui éliminent les mauvaises herbes et économisent l’eau en cassant la croûte de terre. À Taliouine, les engrais utilisés sont uniquement biologiques, ce sont des fumures de bœufs et de moutons. Les besoins en eau sont moyens, environ 600 à 700 mm par an, mais doivent être répartis sur toute l’année. Au Maroc, on pratique une quinzaine d’irrigations dans l’année.



La récolte du safran

Il faut 150 fleurs pour obtenir un gramme de safran séché.La récolte se fait sur quatre à six semaines, avec un pic fin octobre, où environ 60% des fleurs apparaissent en même temps, sur quinze jours. La récolte se concentre sur une durée de deux à trois heures, au point du jour, pour éviter que les stigmates soient fanés par le soleil, ce qui se produit en quelques heures. Les stigmates doivent être prélevés très rapidement, afin d’éviter le tassement des fleurs.

En effet, celui-ci engendrerait une fermentation prématurée, qui diminuerait la qualité du safran. Ensuite, le safran est séché à l’air dans des chambres obscures, ou sur le feu. Le séchage à l’air, pratiqué au Maroc, lui donne des notes très épicées, mais moins safranées qu’avec un séchage à la chaleur, comme on le fait en Europe.

Au cours du séchage, le safran perd 80% de son poids. Le safran peut se garder trois ans sans problèmes quand il est conservé dans les bonnes conditions, dans un air sec et à l’abri de la lumière. Les stigmates sont utilisés en cuisine comme assaisonnement ou comme agent colorant. Le safran, poétiquement appelé “Or Rouge”, est l’épice la plus chère au monde.




Une bonne safranière produira la première année environ 2 kg/ha , puis jusqu’à 6kg la deuxième année. Les rendements vont ensuite chuter et se stabiliser entre 1,5 et 3 kg par hectare. Au moment du renouvellement des safranières, les bulbes sont récoltés puis triés en fonction de leur taille et de leur état de santé.

Seuls les bulbes de plus de 2,5-3 cm seront replantés, les autres sont conservés en pépinière pour leur croissance. La replantation des bulbes se fait fin août début septembre. On utilise 50 à 70 bulbes par m2. On les replante  soit en poquet (groupe de trois à quatre bulbes), soit avec un seul bulbe par trou d’une quinzaine de centimètres de profondeur.

Les sillons sont espacés d’environ 25 cm pour faciliter le passage des ouvriers. Au Maroc, les safranières doivent être renouvelées environ tous les 7 ans, alors que dans des régions de rendement plus intensif (10 kg / ha), le renouvellement doit se faire plus fréquemment ( tous les 3 ans environ).

Voir dans cette vidéo comment s’effectue la récolte du safran dans un village berbère de la région de Taliouine:




Le safran dans le monde

Le safran est originaire du Moyen Orient. Il a été cultivé pour la première fois dans les provinces grecques il y a plus de 35 siècles. Aujourd’hui, la production mondiale est d’environ 300 tonnes par an. Le Cachemire est le plus gros producteur, mais sa très forte consommation intérieure, comme les difficultés liées à l’instabilité politique limitent fortement ses exportations.

L’Iran lui, exporte environ la moitié de ses 80 tonnes de production annuelle. L’Espagne était autrefois un très gros producteur, jusqu’à 120 tonnes annuelles. Elle a quasiment abandonné sa production, et seuls quelques sites subsistent, comme Monreal del Campo, qui donnent 3 tonnes par an. Mais les réseaux de distribution sont encore actif, et une grande part du safran dit « d’Espagne » est en réalité acheté en Iran. La Grèce produit environ 6 tonnes par an, dans la coopérative de Kosani.

Le Maroc quant à lui produit environ 3 tonnes à Taliouine et des quantités négligeables dans d’autres safranières, installées en dehors des zones de production classique. Les autres productions (France, Suisse, Angleterre) sont marginales. D’autres pays, comme la Nouvelle Zélande, et l’Australie, en Tasmanie, ont implanté quelques safranières. Les plus gros importateurs sont l’Arabie Saoudite, les Emirats du Golfe, et les Etats-Unis, qui achètent environ 3 tonnes par an.



Les vertus du safran

Le safran (“zaafrane” en arabe) est une épice utilisée comme condiment et colorant. Il est très apprécié dans les tajines de poulet, avec la viande de veau, les viandes séchées, le couscous… Le safran convient parfaitement à toutes les cuisines du monde. Le safran est un grand ami du riz on le trouve dans la paella espagnole, dans la cuisine  marocaine berbère, en Inde et au Pakistan …

Il aromatise également délicatement le thé. Mais le safran a bien d’autres vertus, médicinales cette fois-ci. En effet, il est préconisé comme antidote aux poisons, pour calmer les douleurs de l’accouchement, les maux liés au rhume, aux problèmes respiratoires et aux premières dentitions…

Le safran est également étroitement lié à la beauté car on lui confère des vertus anti-âge et antioxydant. Signe de protection, il est utilisé pour dessiner des signes sur le visage de la fiancée. Il accompagne aussi le défunt pour maintenir une odeur agréable dans le tombeau. Enfin, le safran est l’un des plus anciens colorants naturels de textiles et il est également utilisé dans les arts décoratifs.




Ces dix dernières années, la culture de cet « or rouge » a connu un véritable boom au royaume du Maroc, dépassant de loin les estimations qui étaient prévues, alors que notre pays est le troisième producteur de cette épice qui est la plus chère au monde.

C’est une évolution qui est en faveur des coopératives féminines de Taliouine, véritable moteur de ce secteur depuis des années.

Les détails dans la vidéo ci-dessous de la chaine nationale 2M:





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