Le Maroc doit s’adapter aux dérèglements climatiques
Le Maroc doit s’adapter aux dérèglements climatiques
À la suite des récents feux de forêts et de palmeraies, dans un contexte régional marqué par le même phénomène de manière inédite cet été, les inquiétudes se sont multipliées sur les conséquences des dérèglements climatiques. Au Royaume du Maroc, la question nécessite une réadaptation.
Depuis le début août, les feux de forêts et de palmeraies se sont multipliés au Maroc. En Algérie et en Tunisie, des milliers d’hectares ont été ravagés par les flammes.
Les origines humaines -accidentelles ou volontaires- de certains incendies sont remises en cause, accentuant les dérèglements climatiques à travers l’intervention humaine, selon des spécialistes et des militants écologistes.
À chaud, des militants écologistes ont fait quelques propositions pour que la dimension environnementale soit incluse dans les approches de développement au niveau local, notamment dans la logique de régionalisation.
Parmi eux, le Mouvement Maroc environnement 2050 a notamment lancé un appel pour investir davantage dans les Canadairs, de manière à ce que chaque région ait un avion pour faciliter les interventions en cas de feu de forêt, et protéger ainsi le patrimoine naturel déjà existant.
Actuellement, le Maroc compte six de ce type d’avions, ce que l’ONG considère insuffisant pour venir à bout du défi auquel le fragile écosystème forestier marocain se confronte.
Une protection prioritaire du patrimoine forestier actuel
Pour une meilleure implication des institutions nationales concernées et des citoyens locaux dans les régions les plus menacées, l’association a par ailleurs proposé d’intégrer un «service environnemental» à la formation des jeunes, ce qui peut leur ouvrir des opportunités d’emploi dans ce domaine.
Présidente de Maroc environnement 2050 et architecte-paysagiste depuis une vingtaine d’années, Salima Belemkaddem alerte sur l’urgence de la situation.
L’activiste rappelle ainsi que «ce que nous subissons comme désertification et pénuries d’eau, depuis les vingt dernières années au moins, sont symptomatiques du dérèglement climatique que connaît notre pays». De plus en plus fréquents et ravageurs, les feux de forêts s’y ajoutent, notamment avec les effets de la sécheresse.
«Nous avons d’abord une grande problématique de l’eau dans toutes ses formes et celle de la pollution de l’air, surtout dans les grandes villes et dans une métropole comme Casablanca», rappelle encore Salima Belemkaddem.
Elle souligne que tout cela «se répercute sur la santé de la population, sur l’environnement et l’atmosphère qui se réchauffe».
Dans ce contexte, la particularité du patrimoine forestier marocain reste sa fragilité, par le fait qu’il soit très peu protégé, malgré les efforts consentis.
À la suite des derniers incendies, Maroc environnement 2050 a rappelé la nécessité de «se donner aussi les moyens, en termes d’équipement, pour affronter le défi des feux de forêts».
«Nous avons proposé qu’il y ait un Canadair par région, mais même avec 12 avions, cela restera insuffisant. On sait par exemple qu’un territoire comme celui de la Corse est équipé, à lui seul, de 8 canadairs.
La région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, connue pour le nombre le plus important de forêts et donc comme la plus vulnérable, fait à elle seule presque le double de la superficie de la Corse», souligne la présidente du Mouvement, rappelant dans ce sens la difficulté de maîtrise les récents incendies de Chefchaouen, même avec quatre avions.
«Un écosystème forestier méditerranéen ne rend ses services écosystémiques qu’à partir de 100 et 150 ans, d’où la très haute valeur de ce que nous avons comme ressources à préserver.
Pour cette raison, la prévention est plus efficace et plus utile. Il faut commencer par protéger le capital déjà existant, avant d’investir dans son renouvellement.»
«Notre géographie est difficile, donc une opération de plantation nécessite un investissement important, surtout en termes d’accessibilité, sans parler du climat et de la fragilité du sol avec l’érosion et le manque d’eau», ajoute encore Salima Belemkaddem, sur la question du reboisement et de l’élargissement de l’espace forestier en créant de nouvelle zones plantées.
«Maintenir une population de jeunes plants, les trois premières années qui nécessitent une attention importante pour regénérer un écosystème et le sol, est une opération pratiquement militaire au niveau de l’organisation et du suivi.
Donc avant cela, il faut protéger le patrimoine existant et capitaliser sur la formation de la population locale», souligne-t-elle.
La militante préconise ainsi «une nouvelle civilisation protectrice de son capital végétal et non pas construite sur la consommation», précisant par ailleurs l’urgence de préserver les espaces naturels des feux, mais aussi des inondations qui les guettent.
Capitaliser sur l’éducation environnementale et la formation
Prônant une participation citoyenne à cet effort collectif, la présidente de l’association indique également que «la formation doit d’abord émaner des institutions nationales en premier lieu», notamment le Haut-commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification.
Elle souligne que «les populations de ces régions vivent directement dans cet environnement menacé ; ils connaissent donc les besoins, les actions à entreprendre et les problématiques qui y sont rattachées mieux que d’autres».
L’éducation environnementale gagnerait à être introduite dans les programmes scolaires, selon Salim Belmekaddem.
Cette dernière insiste sur l’importance de «capitaliser sur une formation globale et continue», pour qu’en cas de catastrophes naturelles, «on ne fasse plus seulement avec les moyens du bord» en tant que simples citoyens pour protéger leur propre patrimoine naturel, mais on capitalise sur une «culture de l’entretien et de la maintenance»
Pour la présidente du mouvement, «il y a besoin de réviser les exigences actuelles du patrimoine forestier sous la pression du dérèglement climatique» et puisque «l’environnement a changé, le climat est en train de changer, toutes les institutions nationales doivent changer d’approche».