vendredi, novembre 22, 2024
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La France ne croit pas à une confrontation militaire entre le Maroc et l’Algérie

Un rapport parlementaire français écarte le risque de guerre entre Maroc et Algérie




La France ne croit pas à une confrontation militaire entre le Royaume du Maroc et l’Algérie.

C’est, du moins, la conclusion d’un rapport parlementaire sur les enjeux de défense en Méditerranée.

Les députés français, Jean-Jacques Ferrara (LR) et Philippe Michel-Kleisbauer (Modem) ont remis leur rapport suite aux travaux d’une mission d’information sur les enjeux de défense en Méditerranée.

La question du Sahara occidental et la rivalité entre le Maroc et l’Algérie, deux sujets intriqués, préoccupent les personnes auditionnées par les deux rapporteurs, dans un contexte d’escalade.

«La période récente a été marquée par une forte dégradation de la situation sécuritaire au Sahara Occidental, avec la rupture du cessez-le-feu de 1991 par le Front Polisario en novembre 2020, à la suite notamment du déploiement de forces marocaines dans la zone tampon de Guergarate», soulignent les parlementaires.

«Le recours supposé dans cette zone à des drones de combats ou de surveillance par les deux belligérants démontre la sophistication des capacités militaires employées, ce qui suggère une montée en gamme du conflit», alertent-ils.

Tout en admettant que les hostilités, principalement concentrées dans le nord du territoire près de Mahbas, demeurent à ce stade de faible intensité, «la rupture du cessez-le-feu fait craindre un risque d’escalade», indiquent les députés.




Le Sahara «une source de tensions, mais un risque de conflit limité»

Ces nouveaux développements enregistrés depuis le 13 novembre 2020 ont «entraîné une crise majeure entre» le Royaume du Maroc et l’Algérie, dont le point d’orgue reste l’annonce, le 24 août 2021, par Alger de la rupture de ses relations diplomatiques avec Rabat.

Une décision, précisent les deux rapporteurs, suivie non seulement par la fermeture de l’espace aérien algérien aux avions civils et militaires marocains, mais également par le non-renouvellement du contrat du gazoduc Maghreb-Europe (GME), qui transitait par le Royaume du Maroc.

Nonobstant ce contexte de tension, les deux députés affirment que «la transformation des hostilités au Sahara occidental en un conflit conventionnel entre acteurs étatiques apparaît limité à ce stade».

Et de se féliciter qu’ «en novembre 2021, le bombardement – attribué par l’Algérie au Maroc – de camions transitant à l’Est du Sahara occidental et ayant causé la mort de trois Algériens n’a ainsi, fort heureusement, pas été suivi d’une escalade militaire entre les deux pays».




Réarmement massif de l’Algérie

Si l’option d’une guerre à court ou à moyen terme entre les deux voisins parait écartée, les deux pays se réarment massivement.

Ainsi dans le domaine naval, «l’Algérie est en train de construire deux porte-hélicoptères d’assaut.

Elle possédera bientôt dix frégates et quinze corvettes.

En outre, elle vient d’acheter à la Russie quatre sous-marins supplémentaires, capables de tirer des missiles de croisière navals», a révélé l’amiral Pierre Vandier, chef d’Etat-Major de la marine française, lors de son audition, en novembre 2021, par la Commission de Défense à l’Assemblée Nationale.

La modernisation des capacités militaires de l’Algérie a notamment permis la constitution de «capacités de déni d’accès et d’interdiction de zone en Méditerranée occidentale, à travers un dispositif de défense anti-aérienne composé de S-300 et prochainement S-400 (achetés de la Russie, ndlr) et des systèmes perfectionnés de radars (notamment de type Rezonans), de brouillage et de guerre électronique».

Même son de cloche auprès d’un autre haut gradé de l’armée française.

«Le général Philippe Moralès, commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), a ainsi noté que l’Algérie pourrait constituer une véritable bulle de déni d’accès dans le détroit de Gibraltar.




Et ceci jusqu’au sud de l’Espagne, dans une logique de sanctuarisation de la Méditerranée occidentale», lit-on dans le rapport.

L’ampleur de ce réarmement, notamment au regard des contraintes économiques que connaît l’Algérie, interroge sur les finalités poursuivies par les autorités algériennes.

«Il s’inscrit en effet dans un contexte caractérisé par un certain durcissement de la politique étrangère algérienne, notamment à l’égard du Maroc (…)

Ce réarmement massif obéirait par conséquent à des finalités principalement dissuasives : signal stratégique à l’égard du rival marocain ; protection du territoire, dans un contexte de forte préoccupation sécuritaire à ses frontières (Mali et Libye) ; préservation du prestige de l’armée et illustration de l’influence de cette dernière sur le pouvoir politique», estiment les deux députés.

Pour rappel, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a déclaré le 4 février, que son pays ne «souhaite pas s’engager dans une confrontation armée avec un pays voisin».

De son côté, son homologue marocain, Nasser Bourita, a précisé le lendemain que «le Maroc a choisi de regarder vers l’avenir puisqu’il ne pense point qu’on puisse changer la géographie».




Le Maroc aussi engagé dans la course à l’armement

Le Royaume du Maroc est également engagé dans cette course à l’armement avec le pays voisin.

Le Royaume du Maroc «a augmenté son budget de défense de 29% en 2021 et de 12% en 2022 (4,28% du PIB). Il s’agit du plus important effort budgétaire de l’histoire du Maroc en faveur de sa politique de défense».

Outre «l’acquisition massive de drones, les efforts capacitaires marocains portent principalement sur le développement d’un système de défense anti-aérienne, avec notamment l’acquisition du système américain Patriot et des missiles chinois FD-2000B».

Le développement capacitaire des forces marocaines s’appuie sur un «partenariat privilégié avec les États-Unis, comme le démontrent l’acquisition par le Maroc en 2019 de 25 avions de chasse F-16 Viper pour près de quatre milliards d’euros, ainsi que la commande en 2020 de 24 hélicoptères d’attaque AH-64E Apache», rappellent les parlementaires.

La signature, le 24 novembre 2021 à Rabat, d’un mémorandum d’entente en matière de défense entre le Royaume du Maroc et Israël n’a pas échappé aux deux rapporteurs.

«Cet accord laisse présager une consolidation de la relation d’armement entre les deux pays, notamment en matière de drones et de renseignement», affirment-ils.