mercredi, avril 24, 2024
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Italie: une journaliste menacée de mort à cause de ses origines marocaines

ITALIE : KARIMA MOUAL, JOURNALISTE MENACÉE DE MORT À CAUSE DE SES ORIGINES MAROCAINES

Depuis des semaines, la journaliste d’origine marocaine Karima Moual reçoit des menaces de mort directes. Éditorialiste connue à travers les journaux italiens de renom et figure des émissions politiques à la télévision, elle essuie désormais des attaques racistes quotidiennes, surtout à l’approche des élections. Reporters sans frontières (RSF) a appelé la classe politique à réagir.




Éditorialiste à La Stampa et à La Repubblica, figure des émissions politiques de talk-show sur Mediaset, spécialiste des questions de migration, de droits humains et d’islam, la journaliste maroco-italienne Karima Moual n’aurait pas imaginé que le prix de son succès professionnel serait une avalanche d’attaques racistes de l’extrême droite.

C’est pourtant des centaines de contenus de haine et de menaces de mort que la journaliste découvre régulièrement sur sa messagerie, surtout à l’approche des élections générales, prévues le 25 septembre dans le pays.

Au vu de la charge de violence des contenus dont Karima a fait part, l’ONG internationale Reporters sans frontières (RSF) a récemment appelé la classe politique italienne à réagir.

Le 7 septembre dernier, Reporters sans frontières a en effet déploré «l’absence de réaction des leaders politiques».

«J’ai été consciente que mes articles sur La Stampa et La Repubblica dérangeaient les tendances droitistes et xénophobes, mais les attaques se sont multipliées surtout lorsque l’émission de talk-show politique sur Mediaset a réussi», a déclaré la journaliste.




L’extrême droite pointée à la source des menaces

En quinze ans de carrière et pour s’être spécialisée dans les questions de la diversité en Italie, en tant que journaliste, mais aussi en tant que docteure en langues et civilisations orientales, Karima Moual est devenue une voix très entendue dans le pays, de la part de toutes les tendances politiques.

«Dans mon émission, je confronte différentes tendances partisanes, de droite comme de gauche. Le public italien n’est pas encore habitué à voir sur l’écran des enfants de migrants percer à ce point et c’est ce qui a été utilisé par l’extrême droite pour m’attaquer, en raison de mes origines», confie-t-elle.

«On m’a dit d’abord de rentrer chez moi, que si j’étais restée dans mon pays [le Maroc, ndlr], je n’aurais même pas eu la possibilité de parler», ajoute la journaliste.

«Or, en tant qu’éditorialiste et présentatrice d’émissions politiques en Italie, je m’exprime en tant que citoyenne italienne et en tant que journaliste suivie par toutes les tendances.




J’ai grandi dans ce pays depuis l’âge de 9 ans et je suis fière de donner une bonne image de la deuxième génération issue de l’immigration.»

Après s’être fait connaître davantage pour son répondant face aux tendances d’extrême droite durant son émission, Karima Moual commence à recevoir des menaces directes, des photos violentes et des messages selon lesquels ses jours seraient comptés.

Sur Facebook, une page est également ouverte pour mener une campagne de haine contre la journaliste, à travers la diffusion de fake news.

«On a dit de moi que je voudrais faire de l’Italie une terre musulmane et que je faisais la promotion du ‘remplacement’ de la population locale par les communautés migrantes», indique-t-elle.

«Après que la police a été saisie, il s’est avéré que cette page était bien organisée suivant une opération de communication ordonnée. Mes détracteurs n’ont pas eu d’arguments pour me confronter par des idées, ils ont donc opté pour m’attaquer à cause de mes origines, puis en diffusant de fausses informations.»




Des parlementaires démocrates appellent à une réponse

Identifiés, les auteurs de la page ont été reconnu comme proches de grands leaders de l’extrême droite, notamment Giorgia Meloni et Matteo Salvini.

Actuellement, Karima Moual est en procès contre les mis en cause.

«Au vu de toute cette violence, le ministère de l’Intérieur a activé une protection mobile pour moi. Mais à mon avis, le problème ne sera pas réglé lorsque je ne serai plus visée.

Beaucoup le sont comme moi, tous les jours, à cause de leurs origines, mais n’ont pas l’espace de parole publique pour en parler comme je peux le faire», estime la journaliste.

Cette dernière rejoint le constat de l’ONG internationale Reporters sans frontières, soulignant que «les deux leaders d’extrême droite qui sont pressentis pour remporter les élections n’ont jamais pris position pour rejeter ces menaces de mort».

Les soutiens politiques dont Karima Moual a bénéficié sont surtout à gauche.




Sur les réseaux sociaux, d’anciens ministres et des responsables au Parti démocrate ont dénoncé la campagne de haine qui la vise.

Parmi eux, Valeria Fedeli, ex-ministre de l’Education, le parlementaire Matteo Mauri, ancien sous-secrétaire du ministère de l’Intérieur et Stefano Ceccanti, constitutionnaliste et membre du parlement italien, ont fustigé les attaques, en appelant à une réponse par la justice.

Selon Karima Moual, «ces menaces ne viennent pas par hasard».

«C’est le fruit d’un long récit mené par les leaders politiques de droite qui, ces dernières années, n’ont fait que souffler la flamme de la haine, des préjugés et de la discrimination envers la diversité, les immigrés, les étrangers, qu’on pointe comme étant les maux de la société», a-t-elle récemment écrit.

Dans ce sens, la journaliste déplore une tendance à la polarisation des opinions, «sans jamais accorder de temps ni d’espace à l’inclusion».