vendredi, novembre 22, 2024
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(Vidéos) Match Maroc-France: des médias français stigmatisent la communauté marocaine

MATCH MAROC-FRANCE: DES MÉDIAS FRANÇAIS, CAISSES DE RÉSONANCE DE VOIX QUI STIGMATISENT LA COMMUNAUTÉ MAROCAINE

Alors que les célébrations de la victoire du Maroc contre le Portugal à la Coupe du monde au Qatar ont donné lieu à des échauffourées en France, une certaine presse française a tôt fait de stigmatiser l’ensemble des membres d’une communauté, en les associant à ces casseurs, et en remettant en question leur attachement aux valeurs françaises.




Depuis la victoire de l’équipe nationale du Maroc sur le Portugal à la Coupe du monde 2022 au Qatar, certains médias français ont transformé les célébrations marquant les victoires marocaines en un sujet anxiogène.

Les images de liesse sur les Champs-Elysées, qui ont accompagné la victoire marocaine mais aussi la victoire française sur l’Angleterre, ont ainsi laissé place à une lexicologie belliqueuse. «Affrontements», «émeutes», «guérilla», «guerre civile»…

C’est à qui emploiera le terme le plus fort pour qualifier les heurts qui ont eu lieu au cours de cette soirée, et qui ont abouti à 170 interpellations.

Sur Cnews, la maire du VIIIe arrondissement de Paris, Jeanne d’Hauteserre, déclare ainsi, sur un ton alarmiste, que «tout le monde a peur d’une guerre, d’une guérilla et d’une guerre civile»…






Et de l’avis de ces médias passés maîtres dans l’art de distiller un climat de peur en continu, le match qui opposera mercredi soir la France au Maroc a toutes les chances de mal tourner, et ce, peu importe le vainqueur.

Une funeste prédiction qui ne supporte aucune modération, annoncée par des personnalités telles qu’Hervé Moreau, capitaine de réserve de la gendarmerie nationale, qui assure que ce «mercredi ça se passera mal, bien entendu», et dénonce des mouvances identitaires qui cultivent un sentiment anti-français.






On ne parle désormais plus de sport, mais de guerre des mondes, et de choc des civilisations.

La (trop) rare médiatisation des appels à la non-stigmatisation

À y regarder de plus près, rares sont les intervenants, invités sur ces plateaux télévisés, qui appellent à faire preuve d’un certain sens de la mesure, et surtout à ne pas confondre ces casseurs (très minoritaires), et les supporters (très nombreux), en l’occurrence des Marocains.

Parmi ces quelques voix, qui appellent à l’apaisement, on compte celle de Naima M’Fadel, essayiste française d’origine marocaine, et conseillère sur les questions liées aux quartiers populaires, aux questions sociales et à la cohésion nationale.






Invitée à s’exprimer sur les violences attribuées aux supporters marocains, celle-ci a rappelé que «les débordements sont le fait d’une minorité de voyous».

Pour cette essayiste, «la justice doit être ferme contre ces voyous, qui jettent l’anathème sur la majorité qui a fêté la victoire du Maroc dans la bonne humeur et en fraternité».

Naïma M’Fadel rappelle par ailleurs que «tous ces problèmes liés aux débordements font mal aux personnes issues de l’immigration qui veulent vivre et contribuer à l’essor de ce pays».

Même avis pour l’ancien conseiller régional d’Ile-de-France, Julien Dray, qui accuse les médias de «poser des problèmes insolubles», les casseurs dont il est question ne soutenant «ni la France, ni le Maroc».

Pour cet homme politique, «ils ne sont ni français, ni marocains, ils sont avant tout des éléments violents et ils ne viennent là que pour la bagarre».






Julien Dray a par ailleurs témoigné s’être déplacé ce soir-là sur les Champs-Elysées pour se rendre compte de ses propres yeux de ce qu’il se passait.

Il se désole pour les supporters de l’équipe du Maroc, qui «étaient tristes», car ils «venaient là pour faire la fête», mais n’ont pas pu célébrer cette victoire à cause de gens «qui pourrissent la vie de tout le monde».

Les binationaux cloués au pilori par l’extrême-droite

Ainsi, sur fond de victoire footballistique, c’est à un véritable débat identitaire que l’on se livre sur des chaînes d’information, avec pour problématique quasi-générale: comment peut-on être français et célébrer l’équipe d’un autre pays?

Pointés du doigt, les binationaux qui célèbrent un peu trop fort le Maroc, et qui oseraient soutenir ce mercredi 14 décembre 2022 le Maroc, plutôt que la France. Dans ce choix du cœur, on croit ainsi voir l’ombre de la fameuse francophobie qui plane sur une communauté qui n’aurait de Français que sa nationalité, et les avantages qui vont avec.






Et c’était prévisible, certaines figures de la scène politique française ont été invitées à entrer dans ce débat passionnel, notamment celles qui ont fait de la lutte contre l’immigration leur fer de lance, lors de la précédente campagne présidentielle.

Eric Zemmour, polémiste mais surtout figure clivante de l’extrême-droite, a ainsi eu l’occasion de s’exprimer au sujet du match Maroc-France, sur BFMTV.






Pour Eric Zemmour, il est impensable que l’on soit français et que l’on soutienne une équipe étrangère.

«Quand on est franco-marocain, on n’a pas le droit d’être contre la France», a-t-il ainsi tranché, lapidaire, balayant d’un revers de main la position de binationaux, qui expliquent se trouver face à un choix cornélien, et qu’ils soutiendront in fine leurs deux pays. Le chef du parti d’extrême-droite Reconquête a critiqué, en passant, une déclaration de l’écrivaine Leila Slimani, qui a dit, dans une interview: «je suis pour le Maroc, c’est mon pays de cœur».

Le Maroc, cet exemple souvent cité

À cette communauté d’origine maghrébine qu’on a tôt fait de stigmatiser en l’associant aux casseurs, on oppose systématiquement les Marocains du Maroc, qui, eux, ne se permettraient pas ce genre de débordements dans leur pays. On compare aussi la police française à la police marocaine, bien plus respectée parce que plus sévère, est-il dit.

Des raccourcis trompeurs et simplistes, qui servent surtout à asseoir un discours consistant à dénoncer ce qui est jugé être un excès de laisser-aller de la part des autorités et de la justice française, face à la délinquance, d’autant plus quand celle-ci émane de personnes dont l’origine étrangère est récente.






Eric Zemmour (encore lui) a ainsi tenté à plusieurs reprises, dans son intervention, d’établir un parallèle avec le Maroc, quitte à se prendre les pieds dans le tapis.

Le chef du parti Reconquête s’est interrogé dans ces termes: «comment réagirait le Roi du Maroc, si à Marrakech des milliers de Français venaient fêter la victoire de la France?».

Parce que, croit Zemmour, «ils (les Marocains) se sentiraient un peu dépossédés de leur pays».






Une question qui en France interpelle peut-être, mais qui, au Maroc, suscite de l’incompréhension.

Et pour cause, les ressortissants étrangers établis au Maroc, qu’ils soient français, issus d’autres pays européens, d’autres pays d’Afrique, ou d’autres régions du monde, n’ont jamais été stigmatisés pour avoir célébré la victoire de leur équipe dans l’espace public.

N’en déplaise à Eric Zemmour, les Français peuvent célébrer en toute quiétude les victoires de leur pays à Marrakech. Aucun Marocain ne se sentirait dépossédé de son pays.

D’ailleurs, comme en témoignent les nombreuses vidéos relayées lors de la CAN ou de la Coupe du monde par la presse marocaine, étrangère et par les réseaux sociaux, le public marocain a plutôt tendance à se mêler à ces scènes de liesse.




Le public marocain a tendance à encourager l’équipe gagnante, quelle que soit sa nationalité ou son pays d’origine.

Le samedi 10 décembre dernier, lors du match qui avait opposé le Maroc au Portugal, et auquel avait succédé le match France-Angleterre, dans les restaurants, bars et cafés, supporters français et marocains étaient assis ensemble pour soutenir l’équipe de leur choix.

Si d’aventure certains supporters français soutenaient le Portugal plutôt que le Maroc, bien que résidents au Maroc et y étant même parfois nés, personne au Maroc ne s’en était offusqué, au point de stigmatiser toute une communauté.

Mais les voix de l’extrême-droite n’en ont cure. Le match de mercredi prochain risque donc fort d’être pour eux une bonne occasion de diviser, stigmatiser et réveiller de vieux démons.