2 ans de prison pour les v¡oleurs d’une fillette de 11 ans
2 ANS DE PRISON POUR LES V¡OLEURS D’UNE FILLETTE DE 11 ANS
DES PEINES TROP LÉGÈRES
« C’est l’histoire d’un drame humain comme il en existe encore plusieurs, mais qui ne supportent plus aucune forme d’indulgence au Maroc du 21ème siècle. »
À l’âge de 11 ans, S. a été victime de v¡ols répétés par trois adultes, ce qui a entraîné une grossesse.
Cependant, lorsque les v¡oleurs ont été condamnés à une peine de seulement 2 ans de prison, le scandale a éclaté.
S. doit maintenant vivre avec les conséquences de ces v¡ols pour le reste de sa vie, tout en élevant son fils qui est né de cette v¡olence inqualifiable.
Bien qu’une expertise médicale par ADN ait identifié le père, qui a été jugé et emprisonné, il n’a aucune obligation légale de reconnaître ou de subvenir aux besoins de l’enfant.
Dans une lettre ouverte adressée au ministre de la Justice, Soumaya Naamane Guessous* exprime une indignation qui devrait être partagée par tous les Marocains, face à la légèreté insoutenable d’un jugement qui normalise le v¡ol sur les mineurs et l’injustice subie par ceux qui sont mal nés.
Il est temps que cela cesse, et que la société marocaine prenne des mesures fermes pour protéger les victimes de v¡olences seχuelles et leur donner justice.
*Soumaya Naamane Guessous est sociologue et écrivaine. Elle est également professeur universitaire, experte internationale et consultante en développement humain
Lettre ouverte à Monsieur le ministre de la Justice
Le v¡ol abject d’une fillette de 11 ans, un jugement scandaleux!
Une fillette de 12 ans accouche, v¡olée par 3 hommes âgés de 25, 32 et 37 ans.
Verdict du tribunal: 2 ans de prison!
Monsieur le Ministre.
Je dénonce une injustice inadmissible.
S., 11 ans, vit dans un douar près de Tiflet. Son père a refusé de l’inscrire à l’école, à 6 km de la maison, derrière une forêt, de peur qu’elle se fasse v¡oler.
Un mercredi, jour de souk, S., seule à la maison, est assaillie par trois hommes du voisinage.
Ils la v¡olent tous les trois et la menacent de tuer sa famille si elle parle.
Les v¡ols se répètent.
Le premier v¡oleur est marié, père de 3 enfants.
Le second est le neveu du premier.
Le troisième est leur voisin.
Le premier a une nièce de l’âge de S. à qui il demande, plusieurs fois, de lui ramener S.
La nièce assiste aux v¡ols de S. par les trois hommes!
S., tétanisée par les menaces de ses tortionnaires, garde le silence.
Un jour, un des v¡oleurs, en déshabillant S., remarque son ventre.
La rumeur de la grossesse circule dans le douar.
Un voisin alerte le père.
La grand-mère amène la petite chez le médecin: S., 12 ans, est enceinte de 8 mois!
S. refuse de parler.
Le père s’adresse aux gendarmes qui, après avoir sécurisé la petite, découvrent l’atroce vérité.
Les v¡oleurs sont emprisonnés et le père s’adresse au Procureur du Roi de Tiflet qui l’envoie au tribunal de Rabat.
15 jours plus tard, S. accouche d’un garçon.
Portant son bébé dans ses bras, elle se rend au tribunal avec son père et sa grand-mère.
Là, elle rencontre une bonne âme.
Siham: «J’étais au tribunal pour une affaire quand mon regard a croisé celui d’un enfant portant un enfant. Un regard accablé, effrayé, d’une immense tristesse. Son dos était courbé par le poids du bébé. Je m’approche d’elle et j’apprends l’atroce drame.»
Cette âme charitable va prendre en charge la fillette.
Miriam Othmani, présidente de l’association INSAF, qui soutient les mères célibataires, m’informe: «Nous l’avons appris par les réseaux sociaux. Une femme, touchée par ce drame, a publié l’information en joignant son numéro de téléphone et celui du père de la victime. Nous avons envoyé deux de nos assistantes sociales chez la famille pour prendre en charge la petite et son enfant.»
Siham, qui habite Rabat, s’est chargée d’aller au douar de la fillette et sa grand-mère et de les ramener plusieurs fois à Casablanca, au siège d’INSAF.
La petite et son fils ont été pris en charge par INSAF: médecin, pédiatre, psychologue, habits, lait,…
L’enfant a été enregistré à l’état civil.
S. sera soutenue jusqu’à son entière autonomie.
Miriam Othmani: «Comme elle n’a jamais été scolarisée, nous avons fait fonctionner une chaîne de solidarité, grâce aux Académie régionales de l’éducation et de la formation qui l’ont intégrée dans l’école de la deuxième chance.»
À 13 ans, près d’un an après son accouchement, S. est interne et suit sa scolarité.
Elle revient dans sa famille le week-end pour s’occuper de son fils.
Elle devra vivre toute sa vie avec une plaie ouverte.
Elle devra aimer un enfant fruit d’une v¡olence immonde.
Elle devra affronter le regard de la société, pas toujours clément.
Son fils, un innocent qui n’a pas demandé à naître, sera toujours considéré comme un citoyen illégitime.
Pire!
Une expertise médicale par ADN a identifié le père parmi les v¡oleurs.
Pourtant… Pourtant…
Le père de l’enfant a été jugé et emprisonné pour avoir v¡olé et engrossé la fillette.
Mais aucune loi ne l’oblige à reconnaître l’enfant, ni à lui donner son nom, ni à l’entretenir.
Épouvantable.
Le plus odieux?
Deux ans de prison pour les v¡oleurs.
Deux d’entre eux doivent verser à la victime 20.000 dirhams et le troisième 30.000 dirhams.
Et c’est tout.
Monsieur le Ministre de la Justice, j’aimerais comprendre ce verdict.
Je ne suis pas juriste, je suis une simple citoyenne choquée, ahurie, scandalisée.
Et je suis sûre que chaque personne qui lira cet article le sera, y compris vous.
À ma connaissance, le v¡ol est lourdement pénalisé au Maroc.
L’article 486 du Code pénal stipule qu’un v¡ol est «l’acte par lequel un homme a des relations seχuelles avec une femme contre le gré de celle-ci».
Les juges ont-ils considéré que ces v¡ols répétitifs, en bande organisée, par 3 hommes majeurs sur une mineure de 11 ans, ont été consentis?
Selon le Code pénal, si le v¡ol a été commis sur une mineure de moins de 18 ans, la peine est la réclusion de 10 à 20 ans (art. 486).
S’il y a eu défloration, la réclusion est de 20 à 30 ans (art. 488).
On est bien loin des 2 ans prononcés par le tribunal.
En outre, ces v¡ols ont eu lieu en bande organisée et ont été répétitifs, ce qui devrait alourdir les peines.
Par ailleurs, S. a affirmé que la nièce d’un des v¡oleurs, une mineure, assistait parfois aux v¡ols.
Pourquoi l’accusation d’attentat à la pudeur sur la personne d’une mineure n’a-t-elle pas été retenue?
À ma connaissance, un oncle et ses 2 compagnons qui v¡olent une fillette en présence de la nièce adolescente est une atteinte à la pudeur: 2 à 5 ans d’emprisonnement (art. 484).
Je me demande même si cette nièce n’a pas elle-même subi de la v¡olence seχuelle.
La famille de la fillette et ses bienfaiteurs sont scandalisés par cette injustice.
Dans son malheur, S. a eu un peu de chance en rencontrant Siham, dont Miriam Othmani dit: «Cette dame ne ménage aucun effort pour apporter à S. et sa famille un peu de réconfort. Si chacun de nous en faisait autant, il y aurait moins de malheur sur Terre.»
Un avocat connu par son militantisme pour les droits de l’Homme s’est engagé bénévolement pour faire appel.
J’espère, Monsieur le Ministre, que Justice sera rendue à cette famille et à cette fillette.
Soumaya Naamane Guessous*
*Soumaya Naamane Guessous est sociologue et écrivaine. Elle est également professeur universitaire, experte internationale et consultante en développement humain.