Gestion de l’eau au Maroc : la culture de l’avocat pose problème
Gestion de l’eau au Maroc : la culture de l’avocat pose problème
Cette année, la production d’avocats au Maroc devrait connaître une augmentation significative, avec des prévisions estimant un volume entre 80.000 et 90.000 tonnes, soit une hausse pouvant atteindre 50 % par rapport à l’année précédente. Cette expansion de la production suscite de vives inquiétudes, en particulier en raison de la pression qu’elle exerce sur les ressources en eau, déjà extrêmement limitées dans le pays. En effet, la culture de l’avocat est bien connue pour sa forte consommation d’eau, un enjeu critique dans un contexte de crise hydrique persistante au Maroc.
Les prévisions de cette augmentation ont déclenché des débats sur la stratégie d’expansion des surfaces agricoles consacrées à cette culture. Ces surfaces ont connu une légère hausse par rapport à la saison précédente, atteignant désormais environ 10.000 hectares. Cette expansion intervient alors que le Maroc fait face à une grave pénurie d’eau, une situation qui pourrait encore se dégrader dans les années à venir sous l’effet combiné du changement climatique et de l’augmentation de la demande en eau pour l’agriculture.
Le magazine Finances News Hebdo a récemment mis en lumière les préoccupations entourant cette situation, en rappelant que l’avocat est l’un des fruits les plus consommateurs en eau. Selon leurs chiffres, il faut environ 729 litres d’eau pour produire un kilogramme d’avocats. Toutefois, d’autres estimations avancent que cette quantité pourrait être encore plus élevée, se situant entre 1.200 et 2.000 litres d’eau par kilogramme, ce qui représente plusieurs fois la quantité d’eau nécessaire pour produire d’autres fruits plus courants.
Ces besoins en eau considérables posent un réel problème de durabilité pour la production d’avocats au Maroc, notamment dans un contexte où le pays subit régulièrement des vagues de sécheresse, une raréfaction des ressources en eau et une hausse des températures. Ces éléments combinés menacent de rendre l’agriculture marocaine encore plus vulnérable et de compromettre la viabilité de cultures exigeantes en eau comme celle de l’avocat.
Riyad Ouahtita, un expert agricole cité par Finances News Hebdo, a expliqué que l’avocat fait partie des cultures les plus gourmandes en eau, au même titre que la pastèque. Il précise que pour produire un kilogramme d’avocats, il faut en moyenne une tonne d’eau, en tenant compte des précipitations qui irriguent naturellement les arbres ainsi que de l’empreinte hydrique totale, qui comprend à la fois l’eau bleue (utilisée pour boire) et l’eau verte (utilisée pour irriguer les cultures). Cette consommation d’eau massive soulève des questions sur la rationalité d’une telle culture dans un pays confronté à une crise hydrique sévère.
L’expansion de la production d’avocats est en grande partie attribuée à l’augmentation des surfaces dédiées à cette culture ces dernières années, ainsi qu’à l’entrée en production de nouvelles exploitations, qui avaient été autorisées à cultiver ce fruit depuis plusieurs années. Cependant, l’expert souligne que l’avocat n’est pas un produit de première nécessité dans l’alimentation des Marocains. De plus, il précise qu’une grande partie de la production, plus de 70 %, est destinée à l’exportation, ce qui signifie que cette culture n’a qu’un impact limité sur le marché local et le pouvoir d’achat des consommateurs marocains.
Riyad Ouahtita a également fait remarquer que le Maroc a dû consacrer une part importante de ses réserves en devises pour importer des produits de première nécessité, tels que le blé, dont la production nationale a été réduite de moitié, ainsi que du bétail, notamment des moutons en provenance d’Espagne et de Roumanie. Face à ces dépenses en devises, le pays cherche à compenser en exportant des produits agricoles très demandés à l’étranger, comme la pastèque, l’avocat et la tomate.
L’expert insiste sur la nécessité de mettre en place des mesures de contrôle strictes sur les exploitations agricoles, en particulier pour les cultures à forte consommation d’eau. Il recommande de réduire les surfaces cultivées en avocats afin de préserver les ressources en eau pour des cultures plus essentielles. Il souligne également l’importance d’une surveillance rigoureuse des zones proches des cours d’eau, car il est fréquent que des agriculteurs utilisent des pompes clandestines pour irriguer leurs terres, aggravant ainsi la pression sur les ressources en eau disponibles. Ces mesures seraient cruciales pour assurer une gestion durable de l’eau au Maroc et pour éviter que la crise hydrique ne s’aggrave davantage.
Malgré plusieurs années de sécheresse persistante et des conditions climatiques particulièrement difficiles qui ont durement affecté les récoltes de nombreux agriculteurs marocains, les producteurs d’avocats demeurent résolument optimistes pour cette saison. En effet, la production d’avocats au Maroc pourrait atteindre des niveaux sans précédent, jamais enregistrés jusqu’à présent.
Abdellah El Yamlahi, président de l’Association marocaine des producteurs d’avocats (MAVA), a déclaré que cette année, les volumes et les calibres des avocats devraient être supérieurs. La récolte des variétés à peau verte devrait commencer aux alentours des semaines 38 et 39, tandis que celle des variétés « Hass » est prévue pour la semaine 43, respectant ainsi un calendrier de récolte normal.
Dans une déclaration faite à Fresh Plaza, une plateforme spécialisée dans le commerce agricole, El Yamlahi a précisé que la floraison s’est déroulée sans encombre et que les fruits sont actuellement en phase de prise de poids. Il prévoit une « excellente récolte avec une meilleure répartition des calibres » pour le Maroc, tout en soulignant que les conditions météorologiques ont été globalement favorables jusqu’à présent.
« Les températures et les vents n’ont pas eu d’impact majeur sur la production jusqu’à ce stade. Le chergui, ce vent chaud venant du sud du Maroc, provoque habituellement des pertes, mais cette année, son effet a été minime. Nous espérons que cela se maintiendra jusqu’à la récolte », a-t-il ajouté.
El Yamlahi a rappelé que lors de la saison précédente, la tempête Bernard avait causé une perte de 10 % des avocats en octobre, juste avant le début de la récolte. Cette période avait également été marquée par une surabondance de petits calibres, compliquant la tâche des exportateurs marocains. « Cela était dû à une surcharge des arbres en fruits. Cette année, nous avons évité ce problème et nous anticipons une concentration sur les calibres 16, 18 et 20 pour la prochaine saison », a-t-il expliqué.
En termes de quantités, l’Association marocaine des producteurs d’avocats s’attend à ce que la productivité marocaine continue sur sa lancée, établissant un nouveau record pour la deuxième année consécutive. « Nous avons terminé la saison dernière avec un record de production de 60.000 tonnes. Pour la saison à venir, nous prévoyons un volume compris entre 80.000 et 90.000 tonnes », a précisé El Yamlahi.
Il a également souligné que la superficie cultivée, qui est d’environ 10.000 hectares, est restée quasiment stable par rapport à la saison précédente. L’augmentation prévue de la production s’explique principalement par la maturité des jeunes arbres, l’amélioration des calibres et des conditions climatiques plus favorables.
Il y a quelques mois, des données récentes ont montré que les exportations d’avocats du Maroc avaient atteint entre juillet 2023 et janvier 2024 un volume de 40.000 tonnes, générant des recettes de 120 millions de dollars, soit l’équivalent de 120 milliards de centimes.
Selon Eastfruit, une plateforme spécialisée dans le suivi des marchés mondiaux de fruits et légumes, le secteur de la production et de l’exportation d’avocats au Maroc est en plein essor, avec une augmentation continue des volumes échangés et des bénéfices croissants tirés des exportations. Cette tendance positive devrait se poursuivre pour la saison 2023/24, avec des prévisions indiquant un nouveau record pour les exportations d’avocats.
La même source indique qu’entre juillet 2023 et janvier 2024, « le Maroc a réussi à exporter près de 40.000 tonnes d’avocats, pour une valeur de 120 millions de dollars, établissant ainsi un nouveau record pour cette période », avec des perspectives de performances encore plus impressionnantes pour la saison 2023/2024.
À lire aussi :
Maroc : stratégies et défis face à la crise du stress hydrique