Football : les franco-marocains préfèrent le Maroc à la France
Football : les franco-marocains préfèrent désormais le Maroc à la France
L’époque où les joueurs binationaux rêvaient de défendre les couleurs de la France au détriment du Maroc semble révolue
Le phénomène des joueurs binationaux, autrefois séduits par l’idée de représenter la France plutôt que leur pays d’origine, semble aujourd’hui s’inverser. Les fédérations africaines, notamment celles du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, parviennent désormais à convaincre de jeunes talents issus de la diaspora de porter les couleurs de leurs nations d’origine, au détriment des Bleus.
Un exemple marquant est celui d’Eliesse Ben Seghir, jeune prodige de l’AS Monaco et ancien international français en catégories U17, U18 et U19. Malgré les tentatives répétées de la Fédération française de football (FFF) pour le retenir, le joueur a finalement choisi de défendre les couleurs du Maroc. Lors d’un entretien avec Onze Mondial, il explique son choix : « Beaucoup disent que j’ai choisi le Maroc trop tôt, mais pour moi, il n’y a pas de timing parfait. Quand tu veux quelque chose, tu dois y aller. » Il met en avant le rôle déterminant du sélectionneur marocain, Walid Regragui, qui lui a témoigné une confiance précieuse. « Oui, mon choix intervient assez tôt dans ma carrière… mais j’en suis fier », a-t-il affirmé.
L’attrait des binationaux pour les sélections africaines est également renforcé par des éléments structurels et émotionnels. Eliesse Ben Seghir évoque l’impact du parcours historique du Maroc lors de la Coupe du monde 2022, mais aussi les efforts entrepris par la Fédération royale marocaine de football (FRMF) pour développer des infrastructures modernes, comme le nouveau centre d’entraînement. « Ce que le Maroc fait pour le football, c’est incroyable », souligne-t-il, tout en rappelant que cette transformation ne date pas d’hier, mais résulte d’un travail de longue haleine.
Ce cas n’est pas isolé. Plusieurs jeunes talents préfèrent aujourd’hui tourner le dos à Clairefontaine, symbole de la formation française, pour rejoindre les sélections africaines. Mohamed Slim Ben Othman, directeur sportif de la Tunisie, explique ce phénomène par une stratégie proactive des fédérations africaines. Ces pays offrent non seulement des opportunités de carrière, mais aussi un rôle valorisant au sein de leurs sélections : « Chez nous, les joueurs peuvent bénéficier de partenariats commerciaux et devenir des figures de proue. En France, où la concurrence est féroce, ils risquent d’être moins visibles. »
Un autre facteur contribue à cette désaffection : les tensions liées à la pratique religieuse. La politique non officielle, mais souvent évoquée, de la Fédération française de football consistant à décourager les jeunes joueurs musulmans de pratiquer le ramadan a provoqué un malaise. Selon des révélations de Le Point, cette position a heurté de nombreux joueurs attachés à leur foi. Le président de la Fédération française de football, Philippe Diallo, a cependant réfuté ces accusations, déclarant : « Personne à la Fédération, à commencer par moi, n’a interdit à quelqu’un de faire le jeûne. Le procès qui est fait à la Fédération est injuste. »
En définitive, l’émergence de ces nouvelles dynamiques montre que les fédérations africaines ne se contentent plus d’être spectatrices. Grâce à une combinaison d’investissements stratégiques, de reconnaissance culturelle et d’accompagnement des joueurs, elles parviennent à séduire des talents qui, autrefois, auraient probablement choisi la France. Ce mouvement pourrait durablement redéfinir les rapports entre les joueurs binationaux et leurs origines.