Vente d’avions de chasse au Maroc : États-Unis vs France
Vente d’avions de chasse au Maroc : les États-Unis supplantent la France
La France n’a pas réussi à convaincre le Maroc d’acquérir le Rafale, l’avion de combat emblématique de Dassault Aviation, malgré plusieurs tentatives au fil des années. Le Rafale est un avion de combat de haute qualité, souvent considéré comme une référence dans l’industrie aéronautique mondiale, mais sa vente reste une chose complexe. La France, malgré ses efforts coordonnés entre Dassault Aviation, la Direction générale de l’armement (DGA) et l’Élysée, n’a pas réussi à faire signer un contrat avec le Maroc, même après plusieurs années de discussions.
Une série d’échecs diplomatiques et stratégiques
Plusieurs facteurs ont contribué à cet échec, notamment une succession d’erreurs stratégiques et diplomatiques, ainsi que des secousses politiques qui ont marqué la dernière décennie. En 2006, le Roi Mohammed VI avait fait part à la France de son intention de moderniser la flotte marocaine de Mirage F1, et avait envisagé l’achat du Rafale pour renforcer la force aérienne du pays. Ce projet aurait pu marquer un tournant dans la coopération militaire franco-marocaine, mais les négociations ont échoué pour diverses raisons.
Une des principales erreurs réside dans l’approche choisie par les deux parties. La DGA (Direction générale de l’armement) a privilégié une négociation d’État à État, en espérant qu’une approche intergouvernementale suffirait à convaincre le Maroc. En revanche, Dassault Aviation, le constructeur du Rafale, a opté pour une approche plus commerciale et privée, se concentrant sur des discussions directes avec le royaume. Ce décalage dans les stratégies de négociation a nui aux chances de succès français.
L’offre de 2,6 milliards d’euros pour l’achat de 12 Rafale s’est révélée trop coûteuse pour le Maroc, qui a jugé cette proposition excessive par rapport à d’autres options plus compétitives. Le Maroc, après avoir exploré cette option, a rapidement cherché des alternatives ailleurs.
L’ascension de la diplomatie américaine et l’offre des F-16
L’un des tournants majeurs a été l’intervention des États-Unis dans cette compétition pour la fourniture d’avions de combat. En 2006-2007, la diplomatie américaine a pris une place prépondérante, en soutenant sa propre offre avec des avions de combat F-16 neufs. Cette proposition a été soutenue par Lockheed Martin, le constructeur américain des F-16, et offrait une flotte de 24 avions neufs pour un prix bien inférieur à celui des Rafale : 1,6 milliard d’euros. Ce prix plus abordable, couplé à l’adaptation parfaite des F-16 aux besoins du Maroc, a pesé lourd dans la décision du royaume.
De plus, les États-Unis ont renforcé leur soutien politique à Rabat, en particulier sur la question sensible du Sahara dit occidental, un dossier clé pour le Maroc. Ce soutien diplomatique s’est concrétisé par la signature d’un contrat de 697,5 millions de dollars entre les États-Unis et le Maroc, sous l’égide de la Millenium Challenge Corporation, visant à renforcer les liens économiques bilatéraux.
La tentative de la France en 2007
Face à cette offre concurrente et à la signature imminente du contrat entre le Maroc et les États-Unis, la France a tenté de redresser la situation en 2007 en proposant un financement intégral du Rafale via la Coface, une proposition destinée à rendre l’acquisition plus accessible financièrement pour le Maroc. Cependant, cette proposition est arrivée trop tard et n’a pas eu l’impact escompté. Le Maroc a choisi de se tourner vers les F-16 américains, qui répondaient mieux à ses besoins immédiats et à un prix beaucoup plus attractif.
Ce revers diplomatique a été particulièrement difficile pour Dassault Aviation et pour les industriels français. Le Rafale avait déjà essuyé plusieurs refus à l’exportation, et cette vente manquée a été perçue comme un coup dur, d’autant plus qu’elle a conduit à l’annulation de la participation de la France au salon Aéroexpo de Marrakech, qui devait se tenir en octobre 2007. Cette absence de la France à l’événement, qui était un moment stratégique pour les industriels, a encore creusé l’écart avec le Maroc.
Le Rafale, un appareil performant mais difficile à vendre
Le Rafale est un avion de combat polyvalent, capable d’effectuer des missions de supériorité aérienne, de frappes de précision et de reconnaissance, tout en étant multirôle et multifonction. Cependant, malgré ses très bonnes performances et ses nombreux atouts techniques, il est souvent jugé difficile à vendre à l’international en raison de son prix élevé et de la concurrence de modèles moins coûteux comme les F-16 américains ou les Eurofighter Typhoon européens. Selon un ancien ministre français de la Défense, le Rafale est « formidable mais difficile à vendre », une affirmation qui résume bien les défis que Dassault a rencontrés dans la promotion de cet appareil sur les marchés internationaux.
Les rumeurs de 2024 et les espoirs renouvelés
En septembre 2024, des rumeurs ont circulé sur la possibilité que le Maroc soit finalement intéressé par l’achat de Rafale. Ces spéculations ont été alimentées par les déclarations du PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, qui a annoncé qu’un nouveau pays signerait un contrat de Rafale fin 2024. Bien que ces rumeurs aient ravivé l’espoir d’une vente, le Maroc n’avait pas pris de décision officielle concernant l’acquisition de l’avion de combat français.
Ainsi, après presque 20 ans de négociations infructueuses et de compétitions avec des offres concurrentes, le Rafale reste un dossier complexe pour Dassault Aviation, et l’issue de cette longue quête dépendra probablement de l’évolution des relations diplomatiques entre la France et le Maroc, ainsi que des besoins spécifiques du royaume en matière de défense aérienne.