jeudi, avril 24, 2025
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UNESCO-Maroc : un Atlas du patrimoine alimentaire

UNESCO-Maroc : un Atlas du patrimoine alimentaire

Le Maroc au cœur d’un ambitieux projet mondial de l’UNESCO pour préserver les traditions culinaires de l’humanité
Un partenariat historique entre le Maroc et l’UNESCO marque une nouvelle ère dans la valorisation du patrimoine culturel immatériel : la création du tout premier Atlas mondial du patrimoine alimentaire. Ce projet novateur, à la fois scientifique, culturel et éducatif, entend dresser une cartographie globale des traditions alimentaires, à travers un ouvrage de référence et une plateforme numérique évolutive. Objectif : documenter, sauvegarder et transmettre ces savoir-faire aux générations futures, tout en leur redonnant une visibilité dans les politiques de développement durable.

Un projet international pour un patrimoine vivant menacé
Ce vaste programme s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée par l’UNESCO et ratifiée par le Maroc. Il est financé par le ministère de la Culture du Royaume d’Arabie saoudite, et réalisé en étroite collaboration avec le ministère marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication. Dès à présent, le Royaume a lancé une consultation nationale afin d’identifier et de valoriser les pratiques culinaires traditionnelles encore vivantes dans les différentes régions du pays.

L’initiative repose sur trois piliers fondamentaux : cartographier les pratiques alimentaires traditionnelles, documenter leur richesse historique, sociale et écologique, et enfin transmettre ces savoir-faire comme éléments essentiels de la diversité culturelle et du développement humain. L’objectif est double : créer un Atlas international du patrimoine alimentaire, fruit d’une compilation rigoureuse de données ethnographiques, et mettre en ligne une plateforme numérique interactive, accessible au public, aux chercheurs, aux institutions culturelles et aux communautés locales elles-mêmes.

Le Maroc, pionnier et modèle pour la phase pilote
Le Maroc a été sélectionné parmi les pays pilotes de cette première phase. Une reconnaissance forte de la richesse de son patrimoine culinaire, mais aussi de son engagement constant pour la sauvegarde des traditions immatérielles. D’ici la fin de l’année 2027, le Royaume devra finaliser la première version de l’Atlas, une entreprise de grande ampleur qui impliquera chercheurs, anthropologues, acteurs associatifs, cuisiniers traditionnels, porteurs de traditions et autorités locales.

Le pays dispose d’un terrain fertile : cinq des quinze éléments marocains inscrits au patrimoine immatériel de l’UNESCO sont directement liés aux pratiques alimentaires, à l’image du Festival des cerises de Sefrou, des savoir-faire liés à l’arganier, ou encore du couscous, patrimoine partagé du Maghreb. Ces éléments constituent une mémoire collective, transmise oralement et par la pratique, souvent au sein de cercles familiaux ou communautaires. Mais ils sont aujourd’hui fragilisés par des facteurs structurels : changements climatiques, mondialisation des habitudes alimentaires, urbanisation accélérée, rupture des transmissions intergénérationnelles.

Un enjeu identitaire, social et écologique
Pour l’UNESCO, ces traditions culinaires sont bien plus que des expressions culturelles : elles sont le reflet de l’histoire des peuples, de leur rapport à la terre, à la biodiversité, aux cycles agricoles, aux célébrations religieuses et sociales. À ce titre, elles méritent d’être reconnues, étudiées et protégées comme des biens communs de l’humanité.

Dans un communiqué officiel, Éric Falt, directeur régional de l’UNESCO pour le Maghreb, souligne cette dimension essentielle :
« Les pratiques alimentaires et les traditions culinaires ne sont pas de simples recettes ou coutumes domestiques. Elles traduisent des modes de vie, des formes de solidarité, des liens profonds avec les territoires et la nature. Les valoriser, c’est construire un avenir fondé sur la diversité, la durabilité et le respect des savoirs locaux. »

Le Maroc, en s’associant à ce projet mondial, affirme également son ambition de jouer un rôle actif dans la diplomatie culturelle internationale, en démontrant que son patrimoine immatériel est un levier de développement économique et social. Mustapha Jlok, directeur du patrimoine culturel au ministère marocain de la Culture, l’exprime avec conviction :
« En participant activement au projet Food Atlas de l’UNESCO, le Maroc met en lumière la richesse et la diversité de ses traditions culinaires, en tant qu’expression vivante de son identité. Avec les communautés locales, nous œuvrons à préserver des savoir-faire hérités de nos ancêtres, qui incarnent l’équilibre entre alimentation, culture et développement durable. »

Une initiative au service des peuples
En documentant les systèmes alimentaires traditionnels – du semis à la table, des gestes de préparation aux rituels de consommation – ce projet mondial entend donner une voix aux communautés locales, souvent marginalisées dans les politiques de patrimoine ou de sécurité alimentaire. Il ouvre aussi la voie à une revalorisation des systèmes agroalimentaires durables, à contre-courant des logiques industrielles standardisées.

À terme, l’Atlas et la plateforme numérique devraient devenir des outils de référence pour les décideurs, les éducateurs, les chefs cuisiniers, les chercheurs, les musées, mais aussi pour les communautés elles-mêmes, qui y trouveront un levier de reconnaissance, de transmission et de fierté culturelle.