Les passages sur le Maroc du dernier livre de Nicolas Sarkozy
Les passages sur le Maroc les plus croustillants du dernier livre de Nicolas Sarkozy
Publié en juillet dernier, le dernier livre autobiographique de l’ancien président français Nicolas Sarkozy, fait notamment état de ses voyages au Maroc qu’il apprécie beaucoup, et sa rencontre avec le roi Mohammed VI, « un homme d’une grande intelligence (…) et d’une gentillesse qui ne se dément jamais ». Extraits.
Sur le Maroc et l’Algérie
Je dus également me justifier de ce qu’il appelait mon tropisme marocain. Pour lui, c’était limpide, j’aimais davantage le Maroc que l’Algérie.
Je m’en défendis avec vigueur même si, intérieurement, je me disais: «Au moins, quand je suis à Rabat, le roi ne me reproche pas le Protectorat!»
Quand on sait que les frontières entre le Maroc et l’Algérie sont fermées depuis bientôt vingt-six années, il est aisé de comprendre la complexité des relations intramaghrébines. (page 109)
Marrakech, cet Orient « proche et lointain »
La visite commençait à Marrakech où le roi Mohammed VI avait prévu de m’accueillir. C’est un homme d’une grande intelligence, très francophile, et d’une gentillesse qui ne se dément jamais.
Il m’avait demandé de choisir la ville où je souhaitais débuter le voyage. J’avais répondu Marrakech, car il s’agissait pour moi d’un lieu unique au monde.
Cette oasis d’où l’on peut apercevoir les neiges éternelles de la chaîne de l’Atlas ne ressemble à aucun
autre endroit.
L’air descend des hautes montagnes et se réchauffe progressivement lors de la traversée du désert pour arriver à bonne température au moment d’entrer dans la ville.
Le ciel est d’un bleu unique. Les peintures de Majorelle en portent témoignage. Elles ne mentent pas. Les fleurs sont omniprésentes. Les odeurs sont celles d’un Orient qui aurait choisi de se rassembler tout entier dans cette ville miraculeuse.
L’art et l’artisanat y ont pris racine depuis des siècles. La population est joyeuse, accueillante, bigarrée et bruyante. L’air est doux. Le soleil y est garanti.
J’ai toujours le sentiment d’être à la maison tant tout me paraît familier et différent, car c’est déjà le début de l’Orient.
Les Marocains nous sont ainsi tout à la fois proches et lointains. Le roi m’avait téléphoné juste après mon divorce pour me dire de venir avec des proches.
«Emmenez vos fils, je ne veux pas que vous soyez seul, j’y tiens beaucoup. Je leur présenterai mes neveux. Ils s’amuseront bien tous ensemble.»
J’avais été touché par cette délicate attention et avais en conséquence demandé à Pierre et à Jean de m’accompagner, ce qu’ils avaient accepté avec leur affection coutumière.
Ce n’était vraiment pas de chance d’être malade alors que je me faisais une joie de revenir dans ce Maroc qui m’est si cher, et que j’aime tant. J’ai toujours ressenti cette proximité. Je pourrais sans doute y vivre. (page 173)
L’accueil « grandiose » du roi et de la cavalerie
Quand la porte s’ouvrit, le spectacle était grandiose. La cavalerie marocaine vêtue de rouge, sabre au côté, était nombreuse et impeccable. Le roi était venu m’accueillir. Une immense voiture décapotable nous attendait.
Le soleil était au zénith et tapait fort. J’étais étourdi par la beauté du paysage, le bruit de la foule immense, la chaleur de l’accueil.
Je rassemblai toutes mes forces pour tenter de faire bonne figure et profiter de ces moments inoubliables. Nous montâmes dans la voiture où nous restâmes debout un long moment. Le roi avait bien fait les choses.
De l’aéroport jusqu’à son palais dans la Médina, la foule était compacte peut-être sur dix à quinze rangées. Des dizaines de milliers de personnes se massaient sur notre passage.
Les Marrackchis criaient, chantaient, applaudissaient, s’apostrophaient. Le bruit était ininterrompu. Avec le roi, nous ne pouvions pas échanger un mot. On ne pouvait s’entendre.
Les cavaliers de l’armée royale nous précédaient. Vivre de tels moments permettait de comprendre instantanément la profondeur et l’ancienneté de la culture marocaine.
Quand le souverain descendit, chacun se précipita pour baiser sa main qu’il retirait aussitôt avec un mouvement étrange de recul.
Le palais était somptueux sans être clinquant. Chaque objet y respirait l’histoire, la tradition, le goût le plus raffiné, l’artisanat le plus habile. Tout était beau sans que rien ne semblât neuf. (page 174)
Inauguration du Boraq à Tanger
Le lendemain, je me rendis à Tanger pour un discours sur l’Union pour la Méditerranée. Quelques mois plus tard, je retrouvai le roi dans cette belle ville pour poser la première pierre du «premier TGV arabe».
Il avait tenu à l’attribuer à la France sans appel d’offres, démontrant une nouvelle fois son attachement et sa confiance pour notre pays. Malgré mes embarras, ce fut une belle visite.
Aujourd’hui encore, il m’arrive d’y penser avec une nostalgie heureuse. Le Maroc a bien de la chance de disposer d’un souverain de cette qualité.
Sa vision est celle d’un pays qui doit se moderniser sans perdre son identité. Il a l’autorité de son père Hassan II et son intelligence, mais il y ajoute la modernité de son âge et l’humanité de son tempérament. (page 176)
Un dîner au palais
Le soir, il y eut un grand dîner d’État offert par le roi. La nourriture était abondante et succulente. Par prudence, je fus très parcimonieux.
Le roi avait fait venir son frère, le prince Moulay Rachid dont j’appréciais l’humour froid, la grande humilité et la finesse d’analyse, et ses trois sœurs. Toute la famille était présente.
Soucieux de ma santé, le souverain veilla à ce que les choses ne s’éternisent pas. Je dormis dans une des résidences royales au cœur de la Palmeraie.
Le lieu est comme un paradis sur terre. Il est entouré d’un parc de quatre-vingts hectares d’orangers, de citronniers et d’oliviers. L’Atlas y apparaît dans toute sa splendeur.
En me réveillant le lendemain, il était là, juste en face de ma terrasse. La neige y scintillait. Il faisait vingt-huit degrés et je la voyais! (page 175)
Information: Le Temps des Tempêtes, Nicolas Sarkozy, Edition L’Observatoire, 2020, 528 pages.