Algérie: les opposants en relation avec le Maroc menacés d’être déchus de leur nationalité
Algérie: les opposants à l’étranger ou en relation avec le Maroc menacés d’être déchus de leur nationalité
Le régime algérien multiplie ses opérations de diversion visant à affaiblir le puissant mouvement de contestation populaire du Hirak. Dernier dérapage en date, un projet de loi qui cible les opposants à l’étranger, ou en relation avec le Maroc, qui se retrouvent menacés de la déchéance de leur nationalité algérienne.
Un Conseil de gouvernement hebdomadaire présidé hier mercredi 3 mars, à Alger, par le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, a examiné un avant-projet de loi relatif à une « procédure de déchéance de la nationalité algérienne, acquise ou d’origine », visant les Algériens de la diaspora. À l’ordre du jour principal de cette réunion: l’examen de ce projet de loi, présenté par le ministre de la Justice, Belkacem Zaghmati.
Selon l’agence de presse officielle algérienne, l’APS, « ce texte prévoit la mise en place d’une procédure de déchéance de la nationalité algérienne, acquise ou d’origine, qui sera applicable à tout Algérien qui commet, en dehors du territoire national, des actes portant volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’Etat ou qui portent atteinte à l’unité nationale ».
Plus concrètement, la nouvelle procédure de déchéance concernera trois catégories de « criminels », à travers lesquels c’est, en fait, le Hirak qui est en ligne de mire.
Les voici:
1 – Tout « Algérien qui commet, en dehors du territoire national, des actes portant volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’Etat ou qui portent atteinte à l’unité nationale ».
2- Tout Algérien « qui active ou adhère à une organisation terroriste ainsi que celui qui la finance ou qui en fait l’apologie ».
3- Toute personne de nationalité algérienne « qui collabore avec un État ennemi ».
À l’examen du premier point, déjà très imprécis, à savoir de « graves préjudices aux intérêts de l’Etat ou qui portent atteinte à l’unité nationale », on remarque que cet énoncé reprend textuellement les chefs d’accusations régulièrement retenus par les tribunaux algériens contre les militants du Hirak, en vertu desquels des centaines d’entre eux ont déjà été inculpés et condamnés à la prison, depuis mars 2019. Or, puisque ce texte spécifie des actes « commis en dehors du territoire national », cela signifie que c’est la nombreuse diaspora algérienne, disséminée à travers le monde, et majoritairement pro-Hirak, qui est ciblée.
Et surtout certaines figures bien connues de l’opposition en exil. En effet, les sorties quotidiennes, voire pluriquotidiennes d’anciens diplomates, militaires ou journalistes algériens établis en Europe, comme Mohamed Larbi Zitout, Hichem Aboud, Amir Dz, Anouar Malek, et d’autres encore, sont très suivies sur les réseaux sociaux par l’opinion publique algérienne. Une opinion publique qui est d’ailleurs beaucoup plus proche et plus réceptive au discours de l’opposition, au ton libre et critique, qu’à celui du pouvoir et de ses médias, qui n’ont pas une once de crédibilité.
Cependant, il faut préciser que ce projet de loi risque de créer de nouveaux problèmes à l’international pour le régime algérien, alors même que les nombreux mandats d’arrêt international émis ces derniers mois par le département de Zaghmati contre les opposants politiques sont restés lettre morte.
Ils finissent systématiquement dans la poubelle de leur destinataire. Cette mesure, pour inique qu’elle est, se place d’emblée aussi en porte-à-faux par rapport aux conventions internationales qui interdisent de déchoir un citoyen de sa nationalité d’origine, au risque de le transformer en apatride. E
n d’autres termes, les Algériens qui disposent de la seule nationalité d’origine ne peuvent nullement faire l’objet d’une déchéance, car l’apatridie est interdite aussi bien par la Déclaration universelle des droits de l’homme promulguée par l’ONU en 1948, que par la Convention de New York de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, et la Convention européenne sur la nationalité de 1997. Il faut rappeler qu’en Algérie, et jusqu’à ce jour, le code de la nationalité du 15 décembre 1970, modifié le 27 février 2005, ne prévoit la déchéance que pour les seuls porteurs de la nationalité algérienne d’acquisition.
C’est-à-dire pour les binationaux naturalisés par l’Algérie. De même, ce code de la nationalité prévoyait une perte, et non une déchéance de nationalité, pour les Algériens d’origine qui optent pour une autre nationalité. Mais depuis 2005, le droit à la double nationalité a été reconnu aux Algériens.
Pour en revenir au cas prévu par le projet de « loi de Zaghmati » concernant la déchéance pour collaboration avec un « État ennemi », les médias algériens y ont vu une allusion claire au Maroc, que le général Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’armée algérienne, a d’ailleurs qualifié récemment d’ »ennemi classique ». Sur ce point, un site algérien s’interroge ainsi: « quelle est la définition juridique d’un ‘Etat ennemi’?
Il n’y en a aucune puisqu’officiellement l’Algérie n’est en guerre contre aucun autre Etat à travers le monde. Un Algérien qui se rend au Maroc ou qui traite avec les médias marocains risque ainsi la déchéance de sa nationalité parce que le Maroc est ‘politiquement’ présenté comme un ‘ennemi’ par le régime algérien.
Mais il n’y a aucune loi qui permet de qualifier le Maroc ‘comme un ennemi étranger’ de l’Algérie ». Cette mesure excessive est donc, une nouvelle fois, révélatrice de l’acharnement du régime algérien à l’encontre de ses citoyens et de ses voisins immédiats à l’ouest. Ce régime n’agit de la sorte que parce qu’il est aux abois, et se sait pertinemment en fin de vie.