Quand le Maroc sacrifiait sa relation avec la Catalogne pour plaire à l’Espagne
Quand le Maroc sacrifiait sa relation avec la Catalogne pour plaire à l’Espagne
Quatre années après les gestes de courtoisie diplomatique du Maroc à l’égard de l’Espagne au sujet de la Catalogne, le gouvernement Sanchez a accueilli Brahim Ghali en catimini sans en aviser Rabat.
Le Royaume du Maroc est vent debout contre l’hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne sous une fausse identité. L’ambassadeur de Madrid à Rabat a été convoqué pour donner des «éclaircissements» et le ministère des Affaires étrangères a fini par rendre publique sa colère dans un communiqué publié ce dimanche. Cet accueil en catimini du chef du Polisario, sous une fausse identité et de surcroît s’en aviser le Royaume du Maroc, tranche avec l’excellence des relations entre Madrid et Rabat tant vantée par Arancha Gonzalez Laya, la ministre des Affaires étrangères. Elle fait surtout l’effet d’un coup de poignard dans le dos.
Surtout lorsqu’on se souvient de la politesse diplomatique des autorités marocaines, il y a quatre années au sujet de la Catalogne. En mai 2017, le gouvernement El Othmani refusait en effet d’accueillir l’ancien président de la Catalogne, Carles Puigdemont. Le ministre des Affaires étrangères avait expliqué, lors d’un point de presse animé conjointement par son homologue espagnol Alfonso Dastis, que ce genre de déplacement doit avoir au préalable le feu vert des autorités espagnoles. «Le Maroc maintient et maintiendra toujours une étroite concertation avec les autorités espagnoles pour l’organisation de ce type de visites», a-t-il souligné.
De son côté le chef de la diplomatie d’Espagne a affirmé que son pays «n’a pas exercé des pressions sur le Royaume du Maroc» pour rejeter la visite du président de la Catalogne. La décision des autorités du Royaume du Maroc s’inscrivait en rupture avec une tradition qui remonte aux années Hassan II. Pour mémoire, en septembre 1994, le défunt roi Hassan II fut l’un des premiers leaders au monde à recevoir le président de la Generalitat, Jordi Pujol, avec les honneurs militaires et avec le drapeau catalan qui flottait aux côtés de celui de l’Espagne; c’est un traitement de faveur qui est rare pour un président d’une région autonome.
Une politesse qui a un coût politique
Le Maroc a ensuite payé chèrement les conséquences du rejet de la demande de Puigdemont. En plein Hirak du Rif, il a perdu le soutien traditionnel des formations catalanes de droite et de centre droit, au pouvoir à Barcelone. Les députés de ces partis ont rejoint la gauche et l’extrême gauche dans des déclarations soutenant le Hirak et condamnant les interventions des forces publiques contre les manifestants du mouvement de contestation populaire du Rif. Et comme ce cadeau ne suffisait pas, le gouvernement marocain s’est empressé de condamner le referendum d’indépendance de la Catalogne.
C’était le 1er octobre 2017. «Le Royaume du Maroc, fidèle comme il l’a toujours été au respect des principes du droit international, rejette le processus unilatéral d’indépendance de la Catalogne, et exprime son attachement à la souveraineté, à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale du Royaume d’Espagne», indiquait le département Nasser Bourita dans un communiqué publié le 12 octobre 2017. Cette générosité s’est manifesté également au niveau régional, avec l’interdiction d’un sit-in par les autorités de Nador, prévu le 19 février 2018 devant le siège du consulat d’Espagne.
C’était en solidarité avec les détenus politiques catalans. Un ensemble de cadeaux politiques et de politesse diplomatique qui ont laissé un goût amer avec l’accueil en secret par Madrid du chef d’un groupe armée ayant déclaré la guerre au Royaume du Maroc en rupture du couvre-feu de 1991. Un «geste humanitaire» selon le gouvernement espagnol à l’égard de Brahim Ghali qui est pourtant poursuivi par la justice «pour des crimes de guerre sérieux et des atteintes graves aux droits de l’Homme», déplorait le ministère marocain des Affaires étrangères dans son communiqué du dimanche 25 avril.