jeudi, septembre 19, 2024
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Maroc : le paradoxe climatique des inondations et de la sécheresse

Maroc : le « paradoxe » climatique des inondations et de la sécheresse

Le sud et le sud-est du Maroc viennent de traverser une série d’inondations meurtrières qui ont causé la mort de 18 personnes et généré d’importants dégâts matériels. Pourtant, derrière cette tragédie humaine et ces destructions, un autre aspect plus positif émerge : le remplissage considérable des barrages et des retenues d’eau. Ce phénomène pourrait constituer un atout majeur pour la prochaine saison agricole dans une région particulièrement affectée par la sécheresse ces dernières années. En effet, les pluies torrentielles qui ont frappé les zones désertiques et semi-arides du pays, tout en provoquant de nombreuses pertes, apportent un répit bienvenu à une région aux ressources hydriques gravement appauvries.

Ces pluies diluviennes, résultant d’un déplacement vers le nord du Front intertropical – une zone météorologique qui sépare les masses d’air chaudes et humides des zones arides – ont été accompagnées par des masses d’air chaud et de fortes précipitations. En l’espace de quelques jours, certaines régions du sud et du sud-est du Maroc ont reçu des quantités de pluie équivalentes à plusieurs mois, voire plusieurs années de précipitations. Ces pluies, bien que destructrices à court terme, offrent néanmoins des opportunités importantes pour une région soumise à une intense pression hydrique. Cette volatilité climatique, symptomatique des changements climatiques globaux, exige une adaptation rapide des infrastructures et des pratiques locales.

Les bassins hydrologiques situés dans les régions de Drâa-Oued Noun, Tensift et Guir Ziz Rheris, qui couvrent les localités les plus sévèrement touchées par les inondations, ont vu leurs niveaux d’eau augmenter de manière spectaculaire. Avant les intempéries, les quatre principaux réservoirs du bassin du Drâa, par exemple, étaient presque asséchés, mais ils ont désormais accumulé plus de 90 millions de mètres cubes d’eau en l’espace de deux semaines. Le taux de remplissage des barrages, qui stagnait à des niveaux historiquement bas, a bondi à 19 %, une évolution qui représente une véritable bouffée d’air pour l’agriculture, très dépendante de ces ressources hydriques dans ces régions arides. Le grand barrage de Ouarzazate a capté à lui seul près de 70 % des précipitations récentes, avec un apport de 69 millions de mètres cubes, tandis que le barrage de Fask, récemment inauguré en mars 2024, a accumulé 10 millions de mètres cubes en seulement 24 heures, illustrant ainsi l’importance stratégique de ces infrastructures hydrauliques pour la gestion des ressources en eau dans cette partie du Maroc.

Ces apports en eau sont une lueur d’espoir pour les agriculteurs locaux, particulièrement ceux des oasis et des zones environnantes qui souffrent depuis plusieurs années d’une sécheresse sévère. L’impact des récentes précipitations sur l’agriculture vivrière, qui soutient une large partie de la population de ces régions, pourrait être déterminant. Ces pluies ont permis de recharger les nappes phréatiques qui avaient atteint des niveaux alarmants en raison des faibles précipitations des dernières années. Cela devrait notamment favoriser la croissance des palmiers dattiers, culture emblématique des oasis, ainsi que des cultures maraîchères, essentielles à la subsistance locale. Bien que ces précipitations ne suffisent pas à combler totalement le déficit hydrique du pays, elles représentent néanmoins un répit bienvenu et pourraient stabiliser la production agricole pour les mois à venir. Dans un pays où l’agriculture représente entre 11 et 14 % du produit intérieur brut (PIB) et où plus d’un tiers de la population active dépend directement ou indirectement de ce secteur, cette reconstitution des ressources en eau pourrait jouer un rôle crucial dans la relance économique des zones rurales touchées.

Cependant, ces pluies bienfaitrices pour les réserves en eau ont également mis en lumière les vulnérabilités des infrastructures locales. Les inondations ont endommagé de nombreuses infrastructures vitales, y compris des routes, des ponts et des réseaux de canalisations, ce qui a temporairement isolé certaines communautés et entravé les efforts de secours. Face à cette situation critique, le gouvernement marocain a annoncé un plan d’urgence avec un budget de plus de 3,7 millions d’euros, destiné à la réhabilitation des infrastructures hydrauliques endommagées et à la relance des activités agricoles dans les zones sinistrées. La remise en état des infrastructures est prioritaire, non seulement pour répondre aux besoins immédiats de la population, mais également pour s’assurer que les réserves d’eau nouvellement accumulées puissent être exploitées de manière optimale, tant pour l’irrigation que pour l’approvisionnement en eau potable. Avec un tel volume d’eau stocké, les autorités doivent veiller à ce que chaque goutte soit utilisée de manière rationnelle et durable, répondant ainsi aux besoins à long terme des communautés locales tout en renforçant la résilience face aux futures crises hydriques.

Ces événements climatiques exceptionnels, bien qu’ils aient apporté des bénéfices importants en termes de ressources hydriques, rappellent également l’urgence de la préparation face à des phénomènes météorologiques de plus en plus imprévisibles. Le Maroc, comme de nombreuses autres régions du monde, fait face à une double menace climatique : celle d’une sécheresse prolongée suivie d’épisodes de précipitations extrêmes. Cette situation met en évidence les effets du changement climatique et souligne la nécessité d’une adaptation rapide des infrastructures hydrauliques et des pratiques agricoles du pays. Les experts soulignent que, bien que ces récentes pluies soient encourageantes, elles ne constituent qu’un répit temporaire. La région continuera de subir des sécheresses sévères et prolongées, et seule une gestion rigoureuse et durable des ressources en eau pourra assurer la pérennité de l’agriculture locale et garantir la sécurité alimentaire à long terme.

Le défi pour les autorités marocaines est désormais double : il s’agit non seulement d’exploiter efficacement ces nouvelles réserves en eau, mais également de préparer les infrastructures et les communautés locales à affronter les aléas climatiques futurs. Cela passe par une gestion optimisée de l’eau, une modernisation des infrastructures hydrauliques, et une sensibilisation accrue des agriculteurs et des habitants aux pratiques durables de gestion des ressources. Dans ce contexte, la planification stratégique à long terme sera essentielle pour garantir la sécurité hydrique du pays et la résilience des secteurs clés tels que l’agriculture, en réponse aux changements climatiques de plus en plus marqués. Le Maroc devra également investir dans la recherche et le développement de solutions innovantes, telles que l’irrigation goutte-à-goutte, la réutilisation des eaux usées et la capture des eaux de pluie, afin de mieux gérer ses précieuses ressources hydriques dans les années à venir.




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