Le Maroc devient un allié de la Chine, l’Algérie reste une cliente
Le Maroc devient un allié de la Chine, l’Algérie était et reste une cliente
Isabelle Werenfels, chercheuse à l’Institut allemand pour la politique et la sécurité internationales, analyse en profondeur l’évolution du Maroc comme acteur incontournable dans les partenariats économiques et stratégiques de la Chine sur la scène mondiale. Contrairement à l’Algérie, reléguée à un rôle de simple client, le Maroc s’impose désormais comme un partenaire privilégié et stratégique pour Pékin.
La période où l’Algérie jouissait du statut de principal allié de la Chine en Afrique du Nord semble appartenir au passé. Aujourd’hui, la République populaire de Chine concentre son attention sur le Maroc, comme l’a expliqué Isabelle Werenfels, membre de la division Moyen-Orient et Afrique du think tank SWP (Stiftung Wissenschaft und Politik). Cet institut influent, qui conseille le Bundestag, le gouvernement fédéral allemand, ainsi que des institutions européennes et internationales comme l’UE et l’OTAN, illustre l’évolution des priorités de Pékin.
S’exprimant lors de la 10ᵉ édition des Dialogues méditerranéens (Rome MED-Mediterranean Dialogues 2024), la chercheuse a mis en évidence une distinction majeure : alors que l’Algérie demeure un marché pour la Chine, le Maroc est devenu un acteur collaboratif dans des projets à forte valeur ajoutée. « Autrefois, l’Algérie était le principal interlocuteur chinois au Maghreb. Désormais, c’est le Maroc, comme le démontre leur partenariat dans la production de batteries pour véhicules électriques », a-t-elle déclaré. En Algérie, les investissements chinois se concentrent surtout sur les infrastructures, tandis qu’au Maroc, ils concernent la fabrication et l’industrie de pointe.
Pour la Chine, le Maroc représente une opportunité stratégique, notamment grâce à son accord de libre-échange avec les États-Unis et avec l’Europe, des relations commerciales privilégiées. Ce partenariat permet au Maroc de s’intégrer davantage dans les chaînes de valeur mondiales, un avantage souligné par la chercheuse à l’Institut allemand pour la politique et la sécurité internationales Isabelle Werenfels. Ce partenariat permet aussi à la Chine d’esquiver les barrières douanières qui lui impose l’Occident. C’est un partenariat gagnant-gagnant.
Le choix du président chinois, Xi Jinping, de faire escale à Casablanca après le G20 au Brésil, avant de retourner à Pékin «est très significatif. Et tout aussi significatif est le fait qu’il ait été reçu par le Prince héritier, et non par le Roi. Ce sont deux signaux à considérer à la fois du point de vue national et géopolitique» selon la chercheuse du think tank allemand.
Lors de sa rencontre avec le prince héritier Moulay El Hassan, Xi Jinping a exprimé l’intention de consolider les relations bilatérales en soutenant fermement les intérêts fondamentaux de chaque nation. Il a également salué le développement continu des relations sino-marocaines, marquées par une coopération fructueuse dans divers domaines, comme l’a rapporté l’agence de presse Xinhua.
L’évolution des relations sino-marocaines est illustrée par des projets majeurs, tels que :
– Un investissement de 6,4 milliards de dollars pour construire une usine de batteries pour véhicules électriques près de Rabat.
– Le développement de la Cité Mohammed VI de technologie à Tanger, une zone industrielle soutenue par la Chine qui accueille de nombreuses entreprises chinoises (plusieurs dizaines).
– La montée en puissance de partenariats technologiques, notamment entre plusieurs acteurs marocains et Huawei, fournisseur mondial d’équipements et d’infrastructures ICT (technologies de l’information et de la communication) et d’appareils intelligents.
En 2022, la Chine est devenue le troisième partenaire commercial du Maroc et son premier partenaire asiatique, avec des échanges commerciaux atteignant 7,6 milliards de dollars. ddd Ce dynamisme fait du Maroc la troisième destination des investissements chinois en Afrique, après l’Égypte et l’Afrique du Sud.
Les avantages compétitifs du Maroc, comme ses coûts de production attractifs et une administration proactive, renforcent son attractivité. Carlos Tavares, PDG de Stellantis, a d’ailleurs salué l’efficacité du modèle marocain par rapport à la bureaucratie européenne. L’usine marocaine de Stellantis, qui produit actuellement 200 000 véhicules par an, prévoit de doubler sa capacité d’ici 2027 grâce à l’introduction de nouveaux modèles.
Face à ces succès, l’Algérie, malgré ses slogans patriotiques et ses ambitions (qui se concrétisent dans ses médias et sur les réseaux sociaux) reste largement en retrait dans sa capacité à rivaliser économiquement. Ses projets stagnants et son positionnement limité comme marché d’infrastructures pour Pékin mettent en lumière un fossé de plus en plus grand entre les deux nations.
Le Maroc s’affirme comme une passerelle clé pour la Chine vers l’Europe, l’Afrique et les États-Unis, grâce à une politique économique tournée vers l’innovation et des partenariats stratégiques solides. Cette dynamique marque une transformation profonde des équilibres au Maghreb, où l’Algérie peine à maintenir son influence face à un Maroc en pleine ascension.
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