mardi, décembre 17, 2024
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La datte marocaine majhoul très prisée dans le monde arabe

La datte marocaine majhoul très prisée en Libye et dans le monde arabe

Dans la fertile campagne de Misrata, au cœur d’un paysage dominé par les oliviers et les agrumes, Ismaïl Ben Saoud a pris un pari audacieux et risqué : planter des palmiers-dattiers de la variété majhoul. Originaire de zones semi-désertiques du Maroc, cette variété est réputée pour sa chair sucrée et juteuse, et est prisée dans tout le monde arabe. Traditionnellement cultivée dans des climats plus secs et chauds, la variété majhoul est peu connue dans le climat doux et humide de la côte méditerranéenne. Pourtant, dans sa ferme de cinq hectares, près de Misrata, une grande ville portuaire de l’ouest de la Libye, Ismaïl Ben Saoud a réussi à prouver que ce palmier-dattier pouvait s’épanouir en dehors de son habitat d’origine.

L’histoire de ce projet a commencé en 2016, lorsque Ismaïl Ben Saoud a décidé de planter les premiers dattiers dans un sol qu’on croyait inadapté pour cette culture. Alors qu’à l’époque, on pensait que le palmier majhoul ne pourrait pas survivre dans les conditions climatiques du nord de l’Afrique, notamment en raison de la proximité de la mer, ce dernier a fait mentir ces préjugés. Aujourd’hui, ses arbres ont commencé à produire des fruits de grande qualité depuis 2020, après une période de croissance et d’adaptation des cultures.

Malgré les défis initiaux, Ismaïl Ben Saoud se dit très satisfait des résultats. Après quatre années de travail intensif, la récolte est jugée « très satisfaisante ». Selon lui, d’ici un ou deux ans, la production sera optimale. Ces bons résultats sont le fruit d’une approche expérimentale constante, avec des essais et des ajustements réalisés chaque année, afin d’améliorer à la fois la qualité et la quantité des fruits. Ce succès repose également sur des pratiques agricoles durables et respectueuses de l’environnement. En effet, Ismaïl Ben Saoud utilise uniquement des fertilisants biologiques, excluant les produits chimiques et privilégiant des méthodes naturelles pour la fertilisation des sols.

Les dattes majhoul cultivées sur ses terres ont la particularité d’être particulièrement tendres, sucrées et charnues, avec une texture fondante et un goût délicat. Ces caractéristiques ont fait leur réputation dans tout le monde arabe, où les dattes sont considérées comme un produit de luxe, souvent exposées comme des joyaux dans les vitrines des bijoutiers. En Libye, les dattes sont prisées et font partie intégrante de la culture locale, notamment lors des cérémonies de mariage, des fêtes religieuses, et à la rupture du jeûne pendant le mois sacré de Ramadan.

Les dattes majhoul pèsent parfois jusqu’à 50 grammes, bien plus que les dattes locales, et sont commercialisées à des prix bien plus élevés. Un kilogramme de dattes majhoul se vend ainsi autour de 80 dinars libyens (environ 15,7 euros), tandis que les dattes locales se trouvent entre 6 et 20 dinars (soit environ 1,18 à 4 euros). Après leur récolte, les dattes majhoul sont soigneusement stockées dans des filets à mailles serrées pour les protéger des oiseaux et des insectes, et murissent lentement à l’air libre avant d’être conditionnées. Dans les ateliers, chaque fruit est pesé individuellement avant d’être emballé dans des boîtes de 500 grammes ou 1 kilogramme, prêtes à être distribuées.

Ce travail minutieux de culture et de récolte permet à Ismaïl Ben Saoud de produire des dattes de haute qualité, qui sont devenues des produits recherchés par les Libyens. Mais la production de dattes ne s’arrête pas là : dans les supermarchés de Misrata, on trouve également des produits dérivés, tels que de la mélasse de dattes, de la pâte de dattes utilisée pour préparer des makrouds (gâteaux à base de semoule farcis de dattes), ou encore des dattes farcies aux amandes et enrobées de chocolat, une spécialité sucrée très appréciée.

Pour les Libyens, la date est un symbole d’abondance et de prospérité. Najwa, une infirmière égyptienne vivant en Libye, souligne que la qualité des dattes libyennes s’est nettement améliorée après la Révolution de 2011. Cette amélioration est due à une attention accrue portée à ce secteur, avec un intérêt grandissant pour l’agriculture, notamment pour des cultures comme le palmier-dattier, l’olivier, et divers légumes. Salah Shagan, expert agricole, explique que cette dynamique a permis à de nombreuses personnes de se tourner vers l’agriculture, créant ainsi de nouveaux revenus pour les familles libyennes.

La Libye, pays riche en réserves pétrolières, a longtemps dépendu de son industrie pétrolière pour ses revenus. Cependant, depuis la chute de Kadhafi en 2011, le pays fait face à de nombreuses tensions internes et à une économie fragile. Dans ce contexte, la Libye tente de diversifier ses exportations, notamment en développant des produits agricoles comme l’huile d’olive et les dattes.

Le ministère libyen de l’Agriculture, via sa direction spécialisée dans les dattes, indique que le pays possède actuellement plus de 10 millions d’arbres de dattes. En 2023, la Libye a exporté plus de 50 000 tonnes de dattes, un chiffre en constante augmentation. Pour Ismaïl Ben Saoud, l’étape suivante consiste à se lancer dans l’exportation internationale de ses dattes majhoul. Mais avant cela, il souhaite d’abord répondre à la demande locale, qui est déjà assez forte, et établir une production stable et constante pour satisfaire à la fois le marché intérieur et celui de l’exportation.

Grâce à cette initiative innovante, Ismaïl Ben Saoud espère non seulement améliorer la rentabilité de son exploitation, mais aussi contribuer à diversifier l’économie libyenne, trop dépendante des hydrocarbures. Et, à terme, l’objectif est d’ouvrir de nouveaux marchés à l’export, notamment en Europe et au Moyen-Orient, pour cette « datte de luxe ».




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