mercredi, janvier 22, 2025
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France: et si la Grande Mosquée de Paris était gérée par le Maroc?

France: et si la Grande Mosquée de Paris était gérée par le Maroc?

En France, des appels se multiplient pour confier la gestion de la Grande Mosquée de Paris au Maroc (qui en est d’ailleurs le propriétaire foncier)

La Grande Mosquée de Paris, propriété foncière du Maroc, traverse actuellement une tempête médiatique en raison des liens controversés de son recteur, Chems-Eddine Hafiz, avec le régime algérien. Cette affaire a permis de remettre en lumière les origines marocaines de l’édifice, soulevant la question de la légitimité de sa gestion actuelle par l’Algérie, et a suscité un débat sur la gestion future de ce lieu symbolique de la communauté musulmane en France.

Depuis le début de l’année, Chems-Eddine Hafiz se retrouve sous les feux des projecteurs médiatiques après que ses relations étroites avec le gouvernement algérien aient été exposées dans le cadre de l’affaire des influenceurs algériens menaçant la France d’actes de terrorisme. Ce scandale a révélé la proximité entre le recteur de la Grande Mosquée de Paris et un régime accusé de nourrir une propagande de haine anti-française. Plutôt que d’utiliser sa position religieuse pour désavouer les propos menaçant la sécurité publique, condamner les auteurs de ces menaces ou apaiser les tensions communautaires, Chems-Eddine Hafiz a opté pour une posture plus polémique. Il a dénoncé ce qu’il qualifie d’islamophobie de l’extrême droite française, tout en mettant en avant une prétendue haine de l’Algérie. Il a ciblé en particulier Chawki Benzehra, lanceur d’alerte algérien réfugié en France, et Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger.

Cette sortie publique a provoqué une réaction intense, car elle a mis en lumière la position ambiguë du recteur. En choisissant de défendre le régime algérien, qui semble exploiter la mosquée à des fins de propagande politique en France, Chems-Eddine Hafiz a sérieusement compromis son rôle de représentant religieux neutre. Cette prise de position contraste de manière flagrante avec son silence relatif depuis l’arrestation de Boualem Sansal, écrivain et militant algérien, et avec ses déclarations virulentes contre la justice française après la mort du jeune Nahel, tué par un policier en juin 2023. Sa réaction sur ces événements a démontré une sorte de double standard, ce qui a attiré l’attention sur son rôle dans la gestion de la mosquée, d’autant plus qu’il avait présidé, en 2019, le comité de soutien au président algérien Abdelmadjid Tebboune lors des élections présidentielles en Algérie.

Face à cette situation, la presse française, dont Le Point, a interrogé la légitimité de la gestion de la Grande Mosquée de Paris par l’Algérie, se demandant si cet édifice, en raison de ses liens politiques et religieux, ne devenait pas une sorte de prolongement de la diplomatie algérienne. Cependant, aucune réponse claire n’a été apportée, et c’est désormais une figure de la droite dite « extrême », Damien Rieu, qui a pris la parole pour suggérer une solution à ce dilemme.

Damien Rieu, militant du parti Reconquête et lanceur d’alerte connu sur les réseaux sociaux, a proposé une idée qui a fait grand bruit : « Pourquoi ne pas confier la gestion de la Grande Mosquée de Paris au Maroc ? » Ce tweet, publié le 19 janvier, a généré une vague de réactions sur les réseaux sociaux. Par cette proposition, Damien Rieu fait subtilement référence à l’histoire marocaine de la Grande Mosquée de Paris. En effet, ce lieu a été construit grâce au financement du Maroc, qui en est également le propriétaire foncier. L’édifice a été financé à hauteur de 75 % par le royaume chérifien, qui a assumé les coûts de sa construction dans les années 1920. La gestion de la mosquée a ensuite été récupérée spoliée par l’Algérie après une série de controverses et de changements politiques qui ont eu lieu après l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Cette prise de position de Rieu va au-delà d’une simple suggestion administrative. Elle met en évidence un soutien politique tacite envers le Maroc, et en particulier l’idée que ce pays pourrait offrir une gestion plus neutre et équilibrée de la Grande Mosquée de Paris. En évoquant la gestion marocaine de cet édifice, Rieu sous-entend que le Maroc pourrait non seulement garantir l’indépendance religieuse de la mosquée vis-à-vis des influences politiques étrangères, mais aussi promouvoir un islam de tolérance et de coexistence, en accord avec les valeurs d’ouverture et de respect du vivre-ensemble prônées par le royaume chérifien. Cette suggestion de réaffectation de la gestion de la mosquée au Maroc reflète aussi la volonté de la France d’écarter tout risque d’instrumentalisation politique de la religion, comme cela a été observé sous la gestion algérienne.

En effet, sous le régime d’Alger, la Grande Mosquée de Paris est souvent perçue comme un outil de propagande politique, au service des intérêts du gouvernement algérien. Plusieurs voix en France ont dénoncé le fait que cet édifice soit devenu une sorte d’« ambassade bis » de l’Algérie, un relais d’influence qui ne sert plus uniquement les intérêts religieux des musulmans de France, mais aussi ceux de la politique étrangère algérienne. En réaction à cette situation, une partie de l’opinion publique en France, y compris au sein de la droite politique, semble désirer une gestion plus transparente et indépendante de la mosquée, et voit dans le Maroc une alternative crédible et plus apte à préserver la neutralité religieuse de l’institution.

Ainsi, la proposition de Damien Rieu va au-delà d’un simple appel à la gestion marocaine de la mosquée, elle illustre un soutien croissant à la vision politique et religieuse du Maroc, qui se distingue par son islam modéré, prônant la tolérance et l’ouverture au sein de la société.


Dans un contexte où la gestion de la mosquée par l’Algérie est de plus en plus remise en question, l’idée de confier sa gestion au Maroc apparaît comme une option qui pourrait redonner à la Grande Mosquée de Paris son rôle originel d’édifice religieux au service de la communauté musulmane de France, loin des enjeux politiques internationaux.

À noter que la Grande Mosquée de Paris est le premier lieu de culte musulman construit en France. Les travaux de zellige, de plâtrerie, de boiserie, etc. ont été réalisés par des artisans marocains. La Grande Mosquée de Paris a été inaugurée en juillet 1926, en présence du président de la République française, Gaston Doumergue, et du sultan du royaume du Maroc, Moulay Youssef ben Hassan. En 1767, sous le règne du roi Louis XV, la France avait conclu un accord avec le sultan du Maroc, Sidi Mohammed ben Abdallah, pour permettre l’établissement de l’islam en France.
Cependant, ce projet n’a vu le jour qu’en 1926, sous l’impulsion du sultan Moulay Youssef et du maréchal Lyautey, marquant une étape historique dans la reconnaissance officielle de la présence religieuse musulmane sur le territoire français.