lundi, novembre 25, 2024
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Covid-19: au Maroc, la solidarité s’organise autour des sans-abri

Les autorités ont pu localiser et placer en confinement au moins 3 000 personnes sans domicile fixe, tandis que les réseaux sociaux résonnent d’appels à la générosité.




Hakim dort sur un matelas, prend une douche quotidienne et mange jusqu’à quatre fois par jour. « C’est le paradis, non ? », lâche le vieux monsieur dans un rire enfantin.
Après toute une vie passée dans la rue à vendre des mouchoirs sur les grands boulevards de Casablanca, ce sans-abri qui ne connaît pas son âge a été placé pour la première fois dans un centre d’hébergement.
« Ici, on est traités comme des rois. De grands chefs cuisiniers nous envoient de bons petits plats. Jamais je n’ai vu tant de générosité », se réjouit Hakim, arrivé il y a quelques jours dans une école publique de la capitale économique du Maroc, désertée depuis que le royaume a instauré un état d’urgence sanitaire, le 20 mars, pour une durée d’un mois.




Avec l’aide des associations et des travailleurs sociaux, les autorités ont pu localiser et placer en confinement au moins 3 000 personnes sans domicile fixe (SDF), considérées comme les plus exposées à la pandémie liée au coronavirus.
Selon le directeur de l’entraide nationale au ministère de la famille, Mehdi Ouasmi, ce chiffre devrait passer à 5 000 dans les prochains jours.
« Pour accueillir ces populations, on utilise temporairement des gymnases ou des établissements scolaires qui sont désinfectés quotidiennement », rapporte Hind Laidi, fondatrice de l’association Jood (« générosité », en arabe), qui œuvre en faveur des sans-abri depuis 2015.




Géolocalisés sur Google Maps
Au Maroc, où 3 186 cas de Covid-19 et 144 décès étaient recensés au 21 avril, des mesures exceptionnelles de confinement ont été prises en urgence et le port du masque a été rendu obligatoire, sous peine d’un à trois mois de prison et d’une amende de 1 300 dirhams (115 euros).
Mais les consignes sont plus dures à faire appliquer dans les quartiers défavorisés et chez les populations les plus démunies.
Comment confiner dans leur logement ceux qui n’en ont pas ? « Nous n’avons pas le choix, il en va de notre sécurité à tous. Tant qu’il y aura des personnes en mouvement dans les rues, le virus continuera de se propager », avertit Hind Laidi.




En mars, Jood a créé une carte interactive sur Google Maps afin de géolocaliser les sans-abri et permettre aux citoyens vivant à proximité de leur venir en aide, en leur apportant à manger par exemple.
Grâce aux dons, des milliers de masques et de flacons de gel désinfectant leur ont été distribués. L’association a également lancé une application permettant de vérifier, en identifiant les numéros de carte d’identité, si les aides de l’Etat sont distribuées équitablement.
Ces allocations, allant de 800 à 1 200 dirhams, sont prévues pour les familles en situation de précarité, mais elles s’avèrent compliquées à obtenir pour ceux qui ne bénéficient pas de couverture sociale.




Du côté de la société civile, les initiatives ont été nombreuses. Des bénévoles ont créé un groupe Facebook, LyedFlyed (« main dans la main »), qui compte plus de 30 000 membres, afin de collecter des dons, de répertorier les familles démunies puis de transmettre ces informations aux associations.
Tandis qu’un défi a été lancé à plusieurs chefs, sur les réseaux sociaux, pour cuisiner quotidiennement des repas destinés aux centres d’hébergement.
« Le Marocain est généreux de nature. Avant la crise, les gens avaient moins confiance, à cause des détournements. Maintenant que le besoin est vital, tout le monde y met du sien », se félicite la présidente de Jood.




Des sans-papiers réticents
Si la solidarité gagne du terrain, les défis restent lourds. Au Maroc, il n’existe pas de recensement officiel des sans-abri, sachant que beaucoup d’entre eux n’ont pas de papiers d’identité.
Comment savoir où se trouvent ces personnes à risques ou combien elles sont ? « Nous avions commencé un recensement grâce à une machine de reconnaissance par empreintes digitales installée dans des camions-douches, fin 2019, mais nous avons malheureusement dû arrêter à cause de l’épidémie », explique Hind Laidi.
Et même lorsque les SDF sont identifiés, des résistances émergent : « Certains ne veulent pas être placés en centre, souvent à cause de leur addiction à la drogue ou à l’alcool, ou parce que ce sont des migrants subsahariens sans papiers. »




Dans les rues de Casablanca, des mendiants continuent de braver l’interdiction de circuler, fuyant les policiers et les militaires déployés dans la ville et qui tentent de les chasser.
« Je sais que le coronavirus peut me tuer, mais si je me rends aux autorités, j’ai peur qu’elles me rapatrient une fois le confinement terminé », témoigne, sous couvert d’anonymat, un jeune Malien sans papiers.
Un collectif d’associations de défense des migrants a récemment appelé les autorités à aider ces personnes quel que soit leur statut. « Malheureusement, c’est l’instinct de survie, résume Hind Laidi. Retourner chez eux, c’est aussi un danger. »




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